La start-up française Mistral AI, à peine âgée de 9 mois, a levé 385 millions d'euros, devenant ainsi l'une des deux championnes de l'IA en Europe.
La start-up Mistral AI a bouclé un impressionnant tour de table de 385 millions d’euros. Après les 105 millions déjà levés en juin, ce second tour de financement, mené par le fonds californien Andreessen Horowitz, valorise la société à quelque 2 milliards de dollars propulse la start-up parmi les licornes françaises.
En Europe, seule l'allemande Aleph Alpha est aussi richement dotée, après avoir levé début novembre près de 500 millions d'euros. L'émergence d'acteurs européens de l'IA intervient alors que l'UE vient de s'accorder vendredi sur une future régulation du secteur, sans brider l'innovation européenne. La France et l'Allemagne craignaient qu'une régulation excessive ne tue dans l'oeuf leurs champions naissants.
La Silicon Valley et le trio français
Parmi les bailleurs de fonds de Mistral AI, figurent l'éditeur américain de logiciels Salesforce, la banque BNP Paribas, le transporteur CMA CGM, indique la start-up dans son communiqué. Selon des sources du secteur, le groupe Nvidia, spécialiste mondial des puces pour supercalculateurs, est aussi partie prenante.
Mobiliser les plus grands acteurs de la Silicon Valley démontre l'engouement suscité par Mistral AI en moins d'un an d'existence. La presse américaine la cite déjà comme un potentiel rival d'Open AI, à l'origine de ChatGPT. Comme beaucoup de ses concurrentes, Mistral AI, qui compte désormais 22 salariés, pour la plupart des ingénieurs, propose aux entreprises des modèles de langage en open source nourris de données publiques.
Son premier modèle, baptisé Mistral 7B - qui compte 7 milliards de paramètres - est sorti en septembre et se targue d'être plus économe en énergie que ses concurrents. Il a déjà été téléchargé plus d'un million de fois. Mistral parie sur des modèles plus simples que ceux d'Open AI, qui comptent plus de 175 milliards de paramètres.
La start-up doit annoncer lundi la sortie d'un second modèle, baptisé 8x7B, ainsi que l'ouverture d'une plateforme commerciale pour les développeurs, qui permet de créer des robots type chatGPT. Son principal atout est d'avoir été cofondée par trois experts français de l'IA, formés à l'X ou à l'ENS, embauchés par les géants américains mais revenus à Paris.
Le PDG, Arthur Mensch, 31 ans, polytechnicien et normalien, a passé près de trois ans chez DeepMind, le laboratoire d'IA de Google. Concernant ses associés, Guillaume Lample est l'un des créateurs du modèle de langage LLaMA dévoilé par Meta en février, et Timothée Lacroix était lui aussi chercheur chez Meta.
Bonnes fées
Dès sa création, Mistral AI a conquis les milieux politiques et économiques français. Arthur Mensch était en juin seul avec Emmanuel Macron sur la scène du salon Vivatech, à Paris. Dès son premier tour de table, mené par le fonds américain Lightspeed Venture, plusieurs grands patrons se sont penchés sur son berceau: Xavier Niel, le propriétaire de Free, Rodolphe Saadé, le patron de CMA CGM, ainsi que l'ex-PDG de Google Eric Schmidt.
Une collection de fonds européens les ont rejoints, comme JCDecaux Holding, Motier Ventures - le fonds des Galeries Lafayette - avec des fonds anglais, allemand et italien, sans oublier Bpifrance.
Le gouvernement est visiblement attentif à ce nouvel acteur, dont l'ex-secrétaire d'Etat au Numérique Cédric O est «conseiller co-fondateur». Cédric O peut défendre la start-up jusqu'au au sommet de l'Etat, puisqu'il est aussi membre du Comité interministériel sur l'IA générative créé en septembre par Elisabeth Borne. L'Europe est jusqu'ici très largement dépassée par les Etats-Unis dans la course à l'IA. Open AI et son produit phare ChatGPT, financé par Microsoft, a mobilisé plusieurs milliards de dollars. Ses rivaux ne sont autres que Google, qui vient de sortir son modèle Gemini, ainsi qu'Amazon et Meta.
Avec comme partenaire stratégique Nvidia, dont les puces sont indispensables à tous les acteurs de l'IA, la jeune pousse française dispose d'un atout pour jouer dans la cour des grands. Sa levée de fonds est d'autant plus notable que les financements ont dégringolé en 2023. Il s'agit du deuxième record de l'année en France, après les 850 millions d'euros du fabricant de batteries électriques Verkor en septembre.