Le Haut Conseil à l'Égalité alerte sur le sexisme numérique et l'absence des femmes dans le secteur digital. Les plateformes sont appelées à rendre des rapports annuels sur la place des femmes, et des quotas et incitations pour les filières numériques sont recommandés pour briser ce cercle vicieux.
Le Haut Conseil à l'Egalité dénonce un « cercle vicieux du sexisme » qui exclut les femmes d'un secteur d'avenir qui façonne les mentalités. « Un monde fait par et pour les hommes. Ainsi peut-on résumer le secteur numérique qui a tendance à invisibiliser, caricaturer, agresser et exclure les femmes. Dans les contenus, leur image est déplorable. Dans la filière, leur présence est encore trop minoritaire », observe le HCE.
« Une économie privée des talents féminins est une société privée de solutions pour relever les défis du XXIè siècle », a déclaré la ministre chargée de l'Egalité Hommes Femmes Bérangère Couillard en recevant ce rapport. Le rapport a analysé les cent contenus les plus populaires sur trois grandes plateformes: YouTube, Instagram et TikTok. Le HCE a interrogé une quarantaine d'experts (Education nationale, enseignement supérieur, entrepreneuriat, réseaux sociaux...).
« L'image des femmes véhiculée sur internet est problématique »
Seuls 8% des vidéos sur YouTube sont faites par des femmes. Sur Instagram, 68% des contenus propagent des stéréotypes de genre et un sur cinq des propos à caractère sexiste. Sur TikTok, 42% des séquences d'humour et de divertissement contiennent des représentations dégradantes des femmes, selon cette étude. « L'image des femmes véhiculée sur internet est problématique et renforce les stéréotypes et le sexisme », déclare à l'AFP la présidente du HCE Sylvie Pierre-Brossolette, qui souhaite que l'Etat prenne des « mesures fortes et contraignantes ».
Cette instance consultative indépendante, placée auprès de la Première ministre, préconise que les plateformes soient astreintes à rendre des « rapports d'auto-évaluation » annuels sur la place des femmes, sous la supervision de l'Arcom (Autorité de régulation de l'audiovisuel et du numérique), comme doivent déjà le faire les chaînes de télévision et de radio. Meta, maison-mère de Facebook, interrogé par l'AFP, s'est dit « à la disposition de l'Arcom, du HCE et des parties prenantes pour réfléchir à une méthodologie idoine de mesure de ces types de contenus, pour l'ensemble des acteurs en ligne ».
Pour le HCE, cette image « problématique » des femmes est le reflet d'une « forte culture sexiste » de la filière numérique, largement dominée par les hommes. Seulement 29% des effectifs du numérique en France étaient des femmes en 2020, dont 16% dans les métiers techniques et 22% dans les postes de direction, note le HCE qui regrette que les femmes soient « repoussées à la périphérie des avancées technologiques qui façonnent notre avenir ». « La France est très en retard. De nombreux pays, dont la Chine et l'Inde, ont plus de femmes dans le secteur numérique », ajoute Sylvie Pierre-Brossolette.
« Des idiotes et des bimbos »
Cela est notamment dû à la faible présence des filles dans les filières de formations scientifiques et numériques. A la rentrée 2020-2021, les femmes représentaient 31% des inscrits dans des formations en sciences fondamentales, dans l'enseignement supérieur, et seulement 23% en informatique, selon ce rapport intitulé « La femme invisible dans le numérique: le cercle vicieux du sexisme ».
Les femmes choisissent moins les formations scientifiques, « à cause du manque de modèles féminins et d'un frein à l'orientation par l'entourage, mais aussi par peur du sexisme », estime le HCE. « Les images véhiculées dans le numérique laissent penser que les femmes ne sont pas faites pour des métiers scientifiques. Elles sont caricaturées comme des idiotes et des bimbos. Moins les filles étudient le numérique, moins les entreprises peuvent en embaucher », commente Sylvie Pierre-Brossolette.
Pour casser ce « cercle vicieux », le HCE recommande des « quotas de filles » dans les filières du numérique, au lycée comme dans l'enseignement supérieur, et un « système de bonification » dans ParcoursSup pour les filles qui s'orientent vers ces formations.
La ministre Bérangère Couillard a indiqué que le plan gouvernemental « Toutes et tous égaux », lancé en mars, prévoit « la mise en place d'objectifs de mixité dans les enseignements de spécialité scientifiques » au lycée, avec « un objectif ambitieux de 50% de filles dans les spécialités scientifiques en 2027, contre 30% en 2023 ». « En lien avec les académies, nous menons actuellement un travail de diagnostic pour mesurer la situation dans chaque établissement, et ainsi déterminer un calendrier de mise en oeuvre », a-t-elle précisé.