Alors qu’ils font partie d’une grande partie des consommateurs de contenus en ligne sur les réseaux sociaux, les mineurs sont-ils suffisamment protégés ?
Grands consommateurs de contenus en ligne, enfants et adolescents sont aussi les premières victimes de certains effets nocifs des réseaux sociaux, forcés de mettre en place des mesures de protection.
Pourquoi les réseaux sociaux tentent-ils d’attirer les mineurs ?
« De manière directe, peu de réseaux sociaux tirent un réel bénéfice de la présence d’enfants », estime Thomas Rohmer, fondateur de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, interrogé par l’AFP. « S’ils s’y intéressent, c’est dans une logique de fidélisation, pour quand ils seront adultes et détenteurs d’un pouvoir d’achat », poursuit-il, citant notamment le développement de la plateforme YouTube Kids ou le projet suspendu d’Instagram for Kids, destinés aux moins de 13 ans.
Les mineurs jouent tout de même un rôle moteur dans le marché de la publicité numérique car ils « sont forces de proposition pour la consommation » de leurs parents, relève Julien Pillot, enseignant-chercheur en économie à l’école de commerce Inseec.
Mais le nouveau règlement européen sur les services numériques (DSA), appliqué depuis cet été, interdit les publicités ciblant les mineurs grâce à leurs données personnelles. Meta a ainsi exclu lundi les mineurs des abonnements payants qu’il souhaite proposer aux Européens qui refuseraient d’être ciblés. Les adolescents pourront donc toujours utiliser Facebook et Instagram gratuitement et sans ciblage personnalisé.
Quels risques encourent-ils sur ces plateformes ?
Cyber-harcèlement, désinformation, défis dangereux, troubles psychologiques ou mauvaises rencontres… De nombreux scandales ont terni l’image des réseaux sociaux lorsqu’il sont utilisés par des mineurs. « Meta a exploité des technologies puissantes et sans précédent pour attirer […] et finalement piéger les jeunes et les adolescents afin de faire des profits », ont asséné le 24 octobre les procureurs généraux de plus de quarante Etats américains, qui ont déposé une plainte contre le groupe.
Plusieurs études ont révélé qu’Instagram renvoyait à de nombreuses adolescentes une image négative d’elles-mêmes. Le réseau social chinois TikTok, très prisé des mineurs, a récemment été critiqué par des parlementaires français pour des dérives sur l’organisation de jeux d’argent. Jusqu’à 95 % des Américains de 13 à 17 ans disent utiliser un réseau social, dont un tiers « quasiment constamment », selon le Pew Research Center.
Souvent dénoncée, l’addiction aux réseaux sociaux fait toujours débat dans la communauté scientifique et « relève de la mythologie », affirme Thomas Rohmer. « Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des comportements excessifs. Les enfants et adolescents qui rencontrent des difficultés avec ces outils sont aussi ceux qui sont plus fragiles », nuance-t-il.
Les dispositifs mis en place par les plateformes permettent-ils de les protéger ?
En principe, toutes les plateformes, de TikTok à Instagram, interdisent aux moins de 13 ans de s’inscrire. Sauf que l’âge reste déclaratif. Selon une enquête datant de 2021 de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, garantie de la vie privée des Français, la première inscription sur un réseau social intervient en moyenne vers 8 ans et demi et plus de la moitié des 10-14 ans les utilisent.
Mais les plateformes sont désormais sous pression. En septembre, TikTok a écopé de 345 millions d’euros d’amende dans l’Union européenne pour avoir laissé les comptes des mineurs visibles publiquement par défaut et n’avoir pas suffisamment pris en compte les risques pour les moins de 13 ans. L’application fait désormais la chasse aux comptes des utilisateurs qui semblent avoir moins de 13 ans et dit en avoir supprimé des millions.
Meta tente, lui, de prédire l’âge réel des utilisateurs grâce à ses algorithmes et peut exiger une preuve d’identité quand il soupçonne un mineur de se faire passer pour un adulte. En outre, de plus en plus de réseaux affichent des messages d’avertissement au bout d’un certain temps, pour éviter l’addiction.
YouTube a pour sa part annoncé jeudi qu’il limiterait les « recommandations répétées » de vidéos qui idéalisent certains canons de beauté et risquent de nuire à la santé mentale des ados. Mais beaucoup reste à faire. Par exemple pour rendre effectif l’effacement des informations personnelles ou mieux comprendre l’impact de ces outils sur les plus jeunes.
Ce défi nécessite, selon Thomas Rohmer, « une véritable stratégie éducative, avec une implication massive des parents qui fait cruellement défaut ».