L’arrivée d’outils comme HeyGen, qui permet de doubler sa voix dans n’importe quelle langue, ouvre de nouvelles perspectives pour les créateurs de contenus. A la clé, la possibilité d'une visibilité plus grande.

Devenir polyglotte en quelques clics, c'est désormais possible grâce à l'intelligence artificielle. Donald Trump parlant un français parfait, le Général de Gaulle passant de l’hindi au portugais en un claquement de doigts, Marie-Sophie Lacarrau présentant le JT en espagnol… De nombreuses vidéos du genre ont inondé la toile ces derniers mois, et elles ont toutes été réalisées avec HeyGen, un outil qui repose sur l'intelligence artificielle.

 

 

Ce nouvel outil a fait l’effet d’une onde de choc. Pour autant, sa complexité reste relative, ce qui explique la multiplication des vidéos l'utilisant. Selon David Raichman, executive creative director chez Ogilvy Paris, « un produit comme HeyGen est assez simple, il mêle le clonage de voix et la technique du lip sinking [la synchronisation des lèvres] ». Le spécialiste IA de l’agence parisienne explique que si le lip sinking existe depuis longtemps, c'est l’association des deux technologies qui fait la force de l'outil.

Le monde à portée de main

Parmi les secteurs qui pourraient avoir à gagner de ce type d'outils, celui de l'influence marketing, dont les contenus pourraient voyager sans limite grâce à l'IA. Pour Stéphane Bouillet, CEO de l'agence Influence4you, cette volonté d’internationaliser les contenus n’a pas attendu l’intelligence artificielle mais il soutient l’intérêt de l’outil et de ce qu'il pourrait apporter aux créateurs. « Il y a l’exemple de MisterBeast, qui a réussi à s’exporter dans toutes les langues. A contrario, un créateur comme Khaby Lame a fait de l'absence de langue la marque de fabrique de ses vidéos, avec le succès qu'on lui connait [162 millions d'abonnés sur TikTok] », explique-t-il.

Malgré les outils disponibles, la question de l'internationalisation des créateurs de contenus se heurte à la problématique de la pertinence culturelle. « Tu peux mettre toutes les IA de la Terre, les influenceurs ne peuvent pas s’adresser aussi simplement à tous les pays et toutes les cultures, analyse David Raichman. Cependant, pour une communication plus officielle d’un CEO, utiliser ces technologies permet de toucher plus de personnes, ce qui implique une certaine neutralité d’un point de vue culturel. » Malgré la langue, les références utilisées et l’univers dans lequel s’exprime l’influenceur présentent en effet des limites importantes. « Maintenant, en sachant que cette IA existe, un créateur peut imaginer et partager un contenu dans une nouvelle langue et viser une nouvelle audience », ajoute l'executive creative director d'Ogilvy Paris.

Un impact plus important sur le fond que sur la forme

De son côté, Webedia, qui dispose d'un vivier important de talents, ne veut pas se priver de ces outils. « Notre vision, c’est de se dire que l’IA va pour l’instant aider dans la création de contenus, souligne Raphaël Demnard, directeur général de Webedia Créateurs. En revanche, la valeur intrinsèque de départ, qui est l’appropriation de l’idée, la mise en contexte, restera faite par le créateur. » Si certains youtubeurs vont utiliser des outils d'IA pour réaliser leurs miniatures, il explique que l’intelligence artificielle occupe pour l’instant davantage de place sur le fond de la création de contenus (le sujet des vidéos) que sur la forme (les aspects techniques). « La rétention et le développement d’une audience passent aussi par le fait d’être à la page et au courant des dernières tendances. Par exemple, il y a des vidéos de créateurs qu’on a pu accompagner sur des concepts comme "J’ai demandé à une intelligence artificielle de gérer toute ma journée". Ces vidéos utilisent l'intelligence artificielle simplement comme un contenu de divertissement. »

L’utilisation des nouvelles technologies pose aussi la question de l'authenticité de la relation entre le créateur et son public. « Aujourd’hui, on est dans un monde de l’influence où les créateurs ont de la valeur parce qu’ils ont un vocabulaire, une ligne éditoriale et une façon de s’adresser à leur communauté qui leur est propre. Il faut garder cette authenticité », insiste Raphaël Demnard. Selon lui, il ne faut pas perdre le lien qui existe entre un talent et sa communauté. « Les créateurs utilisent ces produits d'IA avec précaution parce qu’ils ne veulent pas avoir l’impression de prendre leur communauté à défaut », ajoute-t-il. À défaut de trouver une nouvelle audience grâce à l'IA et d’innover dans les techniques de créations de nouveaux contenus, les influenceurs semblent vouloir se concentrer sur leur public actuel, de plus en plus difficile à fidéliser.

Le podcast déjà à la pointe de la traduction vocale par IA

La plateforme de streaming Spotify, également très présente dans le podcast, s’est déjà positionnée en proposant une version beta de traduction vocale. La plateforme suédoise s’est associée à quelques stars américaines du podcast (Dax Shepard, Monica Padman ou Lex Friedman) pour proposer des versions en français ou en espagnol. « Pour l’instant, la traduction de podcast avec l’IA paraît plus pertinente que la vidéo pour élargir son audience. Ce format s’écoute souvent avec un casque en se promenant et pas avec les yeux rivés dessus, souligne David Raichman, d'Ogilvy Paris. Le sous-titre restait la seule solution disponible face à la barrière de la langue. Cette traduction permet d’accéder à des contenus qui étaient vraiment inaccessibles pour de nombreux utilisateurs. »