Un vent d’arnaque souffle sur le marché des cryptomonnaies, entraînant des répercussions sur plusieurs poids lourds de l'écosystème. Si les États-Unis réflechissent encore à des réglementations, l'Union Européenne a déjà un tour d'avance, avec un texte exigeant des plateformes plus de transparence et de rigueur.
La faillite retentissante l'an dernier de la plateforme d'échanges de cryptomonnaies FTX a fortement secoué ce marché hautement spéculatif, entraînant un exode de capitaux, d'autres défaillances d'entreprises, mais le durcissement réglementaire espéré reste inachevé. Le 3 octobre s'ouvre le procès de l'ancien patron de FTX, Sam Bankman-Fried, surnommé « SBF », accusé avec d'autres dirigeants d'avoir utilisé les comptes des clients de la plateforme d'échanges de cryptomonnaies à leur insu, pour alimenter les opérations spéculatives d'Alameda, sa société d'investissements. « Comme un jeu de domino qui s'effondre », l'effondrement en novembre de celui qui était jusqu'ici l'un des principaux acteurs du secteur avait à l'époque eu des répercussions sur plusieurs poids lourds de l'écosystème des cryptomonnaies, comme le courtier Genesis - aujourd'hui en faillite - détaille auprès de l'AFP Erica Stanford, spécialiste crypto pour le cabinet juridique CMS.
De nombreux projets liés à des cryptomonnaies - actif numérique reposant sur la technologie de la blockchain (« chaine de bloc »), un registre virtuel décentralisé, dont les plus connues sont le Bitcoin ou l'Ethereum - ont déjà explosé en plein vol par le passé. « Beaucoup étaient clairement des fraudes pyramidales », qui ont lésé des légions d'investisseurs, et notamment des particuliers, estime l'auteure du livre « Crypto Wars: Faked Deaths, Missing Billions and Industry Disruption », interrogée par l'AFP. Mais pour Erica Stanford, la particularité de la faillite de FTX réside en ce qu'elle a concerné beaucoup de « gens qui travaillaient dans le secteur lui-même ». En outre, « SBF » s'était créé une image de « bon garçon de la crypto », et sa chute en a d'autant plus abimé la réputation des cryptomonnaies, actifs déjà hautement volatils, risqués et dérégulés.
L'exode de fonds a été massif. D'autant que le naufrage FTX est intervenu à un moment où les taux d'intérêt montaient en flèche dans de nombreux pays, renchérissant le coût de l'argent à crédit, et raréfiant celui disponible pour les actifs à risque. « Les capitaux sont rares dans le monde de la crypto de nos jours », confirme Banafsheh Fathieh, associé pour le fonds d'investissement en crypto Faction, qui précise que « les volumes de transactions en cryptomonnaies sont les plus bas que nous ayons vus en quatre ans environ ». Après être descendus à 500 milliards de dollars en décembre dernier, les volumes d'échanges sur les dix principales plateformes se relèvent légèrement en 2023, à 1.000 milliards en mars, mais encore loin des 1.500 milliards de janvier 2022, selon les données de Coingecko, un site qui recense plus de 13.000 d'entre elles à travers 600 échanges.
Mauvais acteurs
L'avenir s'assombrit d'autant plus pour les gros poissons du secteur, comme le numéro un Binance, visé par une enquête du ministère américain de la Justice, notamment pour blanchiment d'argent. Mais comment éliminer les « mauvais acteurs » de la crypto ? Plusieurs textes réglementaires sont en cours d'élaboration au Congrès américain, mais aucun n'a encore été soumis au vote, dans un contexte de forte division entre Républicains et Démocrates, qui complique les espoirs de compromis. En avance dans le domaine, l'Union européenne s'est de son côté accordée sur un projet de réglementation (MiCa), qui exige des plateformes plus de transparence et de rigueur, et qui doit entrer en vigueur l'an prochain. En France, l'enregistrement au statut de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN), défini par la loi Pacte de 2019, est déjà nécessaire pour communiquer et promouvoir ses services.
Les Etats-Unis ont « peut-être raté le moment charnière » qu'a été la faillite de SBF, qui aurait pu servir d'opportunité pour légiférer, estime Victor Carvalho, professeur en systèmes d'information à l'université de Miami (Ohio, Etats-Unis). « Cela nuit à l'industrie de ne pas avoir de réglementations appropriées en place, car nous pouvons avoir des agences comme la SEC (Ndlr, l'autorité des marchés financiers), qui prend des décisions qui manquent parfois de sens, ou sont contradictoires », estime-il. De son côté, le gendarme de Wall Street a de nouveau repoussé l'échéance sur sa décision quant-à-la création d'un fonds indiciel (spot ETF) en bitcoin qui suivrait directement le prix de la cryptomonnaie, et permettrait d'investir dans le bitcoin sans avoir à en acheter directement.