Alors que l’IA est sur toutes les lèvres, de plus en plus d’annonceurs l’interdisent aux agences créatives, ajoutent des clauses dans les contrats, ou demandent des preuves de la réalité des productions.
L’intelligence artificielle générative est sur toutes les lèvres. Elle promet moult « révolutions » dans les métiers de la publicité. Mais les faits sont tout autre, et l’IA est loin de faire l’unanimité. ChatGPT, Dall-E ou autre Midjourney sont même bannis de certains projets. Des annonceurs l’interdisent formellement et font même pression sur les agences pour ne pas l’utiliser.
« Nous observons une forme de schizophrénie de la part des clients, qui d’un côté, nous demandent d’être à la pointe de l’innovation et de la créativité, en prise avec ces nouvelles technologies de création, et de l’autre nous imposent des amendements contractuels afin de garantir que nous n’utilisons pas d’IA dans les projets », raconte Vincent Reynaud Lacroze, dirrecteur général de l’agence We Are Social.
Même son de cloche chez Fred & Farid Paris : « Certains clients nous disent que nos créas sont exceptionnelles, ils les aiment beaucoup. Mais dès qu’ils savent que de l’IA est entrée dans le processus créatif, que ce soit pour le story-board, ou pour des détails, ils les refusent », indique Olivier Lefebvre, président et directeur de la création de l’agence. « Nous en avons même qui nous ont demandé des preuves des tournages et des shootings afin de documenter que l’IA n’avait pas été utilisée », affirme Vincent Reynaud Lacroze. Alors que les clients sont présents sur place lors des productions…
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Si les annonceurs sont si réticents et si formels dans leur refus, c’est pour différentes raisons. « D’une part, l’esthétisme de l’IA est encore très marqué, et on repère assez vite quand elle est à l’origine de la création, indique le patron de We Are Social. Surtout sur les réseaux sociaux où l’on cherche de l’authenticité, et où l’aspect simple et bricolé fonctionne le mieux ».
Les créations « parfaites », lissées, issues des algorithmes troublent le public par le côté surfait. « Mais cela évoluera. Quand on voit les progrès que les IA ont faits en six mois, c’est très encourageant pour la suite », augure-t-il. Et les algorithmes seront capables de produire du « fait maison » imparfait. L’autre raison est légale : la question des droits d’auteur dans les corpus de données d’entraînement des systèmes génératifs n’est pas réglée. Et les annonceurs craignent de sévères retours de bâton juridique dans l’avenir.
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« Il y a un flou sur le sujet. Et les annonceurs sont aussi le reflet de la société : les craintes associées à l’outil sont aussi présentes chez nos clients. À nous aussi de faire de la pédagogie et de leur dire comment on l’utilise », ajoute Olivier Lefebvre. Car l’IA n’a pas vocation à ne produire que le travail final à partir du bon prompt, mais peut s’insérer à différents stades du processus : du brainstorming à la retouche postprod. « Nous avons connu la même chose sur le mobile, sur l’influence… Dès qu’il y a un saut technologique, il y a des craintes au départ », surenchérit le directeur de la création.
« Cela ne freine pas nos travaux, rassure Vincent Reynaud Lacroze. C’est une réaction attendue, et l’on savait qu’il y aurait des coups de freins, des frilosités, et des accélérations. Mais une fois que ces détails juridiques auront été tranchés, il faudra être prêt », conclut-il. Il n’empêche que ces réticences sont bien un frein, et que Microsoft a annoncé le 11 septembre dernier vouloir jouer les assureurs, et « couvrir » les éventuels procès pour droits d’auteur… Sans doute constatant les réticences à utiliser les outils concrètement.