Avec l’introduction en Bourse d’Arm, le japonais SoftBank Group espère un coup d’éclat capable de redorer son propre blason après des investissements souvent désastreux ces dernières années. Mais ce scénario n’est pas garanti.
SoftBank Group place tous ses espoirs dans un coup de poker pour effacer les échecs passés et restaurer sa réputation ternie par des investissements calamiteux : l’introduction en Bourse d’Arm. Cependant, la réussite de ce plan audacieux est loin d’être assurée.
Le champion britannique des micro-processeurs vise une valorisation boursière pouvant atteindre les 52 milliards de dollars, avec l’ambition de lever entre 4,5 et 5,2 milliards de dollars lors de son entrée à la Bourse de New York, d’après des documents préliminaires révélés récemment. Il devrait ainsi s’agir de la plus grande introduction en Bourse (IPO) de l’année à Wall Street et même dans le monde, et de l’une des plus importantes dans le secteur technologique depuis celle d’Alibaba à New York en 2014.
Mais sa taille s’annonce nettement moins élevée que ce que M. Son espérait initialement en présentant Arm comme un futur acteur majeur de l’intelligence artificielle, un domaine qui aiguise l’appétit des investisseurs. Ce qui provoquait déjà certains commentaires acerbes d’analystes : « L’IPO d’Arm risque d’être un pétard mouillé puisque tous les signes indiquent que (l’entreprise, NDLR) a une exposition beaucoup plus faible à l’IA que ce que M. Son claironnait », taclait Amir Anvarzadeh dans une note d’Asymmetric Advisors.
Une comparaison embarrassante
Tout aussi embarrassante est la comparaison avec une récente transaction interne menée par SoftBank Group : son rachat de la part de 25 % d’Arm détenue par son unité Vision Fund, à un prix revenant à une valorisation de 64 milliards de dollars de la société britannique. SoftBank n’a pas précisé pourquoi cette coûteuse opération était nécessaire juste avant l’IPO. Certains analystes soupçonnent que le groupe nippon était obligé d’offrir une grosse prime pour récompenser d’autres actionnaires importants du Vision Fund.
SoftBank avait acheté Arm en 2016 pour 32 milliards de dollars et a décidé début 2022 de réintroduire en Bourse cette société, après l’échec d’une juteuse vente à l’américain Nvidia à cause d’obstacles réglementaires trop élevés. C’est l’une des rares perspectives positives à laquelle SoftBank s’est raccroché ces derniers mois. Car le groupe accuse régulièrement des pertes monstrueuses depuis son exercice 2019/20, après la déconfiture de ses investissements dans la tech mondiale.
Masayoshi Son sèche la présentation des résultats de SoftBank depuis le début de cette année. Le PDG-fondateur avait coutume d’en faire une tribune où il annonçait un avenir radieux à son groupe, voire à toute l’humanité, grâce aux nouvelles technologies. Le tout émaillé de diapositives candides, comme une oie pondant des oeufs d’or, ou des licornes enjambant une « vallée du coronavirus ».
Un « outil » de financement pour SoftBank
Il fut pourtant un temps, pas si lointain, où M. Son avait la réputation d’être un visionnaire de la tech. N’avait-il pas été le premier, en 2000, à croire dans un certain entrepreneur chinois nommé Jack Ma et à investir 20 millions de dollars dans sa start-up Alibaba ? L’un des jackpots du siècle : 20 ans plus tard, la participation de SoftBank Group dans le géant chinois du e-commerce valait plus de 200 milliards de dollars.
Auréolé de ce succès et d’autres réussites en affaires, M. Son avait pu séduire les fonds souverains d’Arabie saoudite et d’Abou Dhabi pour monter en 2017 le Vision Fund, le plus gros fonds de capital-investissement dans la tech (plus de 100 milliards de dollars), piloté par SoftBank Group. Mais le vent a commencé à tourner en 2019 avec la débâcle de WeWork, le géant américain des bureaux partagés, dans lequel SoftBank Group et le Vision Fund avaient lourdement investi. Sauvé à grands frais par SoftBank à l’époque, WeWork reste moribond : la société a annoncé début août qu’elle était de nouveau au bord de la faillite.
SoftBank Group a ensuite bu la tasse avec l’atterrissage brutal des marchés financiers lié au resserrement monétaire drastique aux États-Unis contre l’inflation et la reprise en main du secteur technologique en Chine par Pékin. Pour se renflouer, le groupe a été obligé de monétiser puis vendre presque toutes ses actions Alibaba.
SoftBank pourrait bien adopter la même stratégie avec Arm, dont il ne prévoit pour l’instant de coter qu’environ 10 % du capital. « A long terme, je pense qu’Arm va devenir un outil pour financer des investissements dans d’autres sociétés technologiques non cotées », a déclaré à l’AFP David Gibson, analyste de MST Financial.