L’influence marketing est l’un des sujets brûlants de ces derniers mois. La loi pour encadrer le secteur a enfin été adoptée à l’Assemblée nationale. Et les rebondissements ont été nombreux. On rembobine pour y voir plus clair.
Le sujet de l’influence a été sur le devant de la scène médiatique tout au long de ce mois de mars. En effet, le secteur se situe à un moment charnière de son histoire : la loi pour réguler toute la profession va enfin voir le jour. L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité en première lecture une proposition de loi transpartisane pour encadrer les pratiques commerciales controversées d'influenceurs sur les réseaux sociaux. Le texte, porté par les députés Arthur Delaporte (PS) et Stéphane Vojetta (apparenté Renaissance), définit légalement les influenceurs et encadre leurs pratiques commerciales. Adopté à 49 voix contre zéro, il devra maintenant être examiné au Sénat.
Récapitulons l’épopée de cette loi. A l’été 2022, c’est par le biais d’un clash sur les réseaux sociaux entre, d’un côté, le rappeur Booba, s’étend pour l’occasion mué en défenseur des victimes d’arnaques des « influvoleurs » (néologisme désormais consacré pour désigner des influenceurs, notamment issus de la téléréalité, pratiquant du drop-shipping, des placements de produits douteux, des promotions de produits interdits à la publicité, etc.) et, de l’autre, Magali Berdah, dite « papesse de la téléréalité » et fondatrice de l’agence décriée Shauna Events, abritant la plupart de ces « influvoleurs ».
Septembre 2022, la justice a ouvert une enquête pour « pratiques commerciales trompeuses » contre l’agence de Magali Berdah. Le grand public et les médias semblent alors découvrir le métier d’influenceur ainsi que celui d’agent d’influenceurs - et surtout ses dérives. Le débat s’enflamme. Le marketing d’influence est pointé du doigt et les amalgames abondent. Doit-on mettre dans le même sac ces influenceurs mal-intentionnés qui ne proposent pas de contenus particuliers si ce n’est de filmer leur quotidien en stories, entrecoupées de placements de produits, et les « créateurs de contenus » (terme qui semble avoir été retenu pour être opposé à influvoleurs) ayant une proposition de valeur créative, un talent, un art, une maîtrise d’un sujet ? Il est clair que le secteur manque de règles, de standards, de définitions.
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Novembre 2022, plusieurs propositions de loi sont émises par des députés pour « encadrer les pratiques » du secteur des influenceurs sur les réseaux sociaux et mieux « protéger les consommateurs », notamment l’écologiste Aurélien Taché, cosignée par des députés de la Nupes, une autre émanant de députés LFI, une autre encore d’Arthur Delaporte (PS, Calvados), Stéphane Vojetta (apparenté au groupe Renaissance).
Décembre 2022. Le gouvernement s’empare du sujet et convoque à Bercy une « table ronde » à laquelle participent des agences d’influenceurs, des plateformes, des annonceurs, l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Autorité nationale des jeux (ANJ) et, pour le ministère de l’Économie, la Direction générale des entreprises (DGE), celle des finances publiques (DGFiP) et de la concurrence (DGCCRF). Dans la foulée, sept agences d’influence marketing annoncent se constituer sous forme de fédération professionnelle. L’UMICC, l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu, voit le jour en janvier 2023, à laquelle adhèrent de nombreuses instances professionnelles du secteur de l’influence. L’un des chantiers prioritaires consiste en la mise en place d’une charte assortie d’un « label créateurs », en partenariat avec l’ARPP. À noter que toutes les agences n’y adhèrent pas, à l’instar de Woô qui « ne se reconnaît pas dans ce “lobby” » et préfère s’en remettre au SCRP (Syndicat du Conseil en relations publics), qui existe depuis 1988, et qui œuvre également sur le volet influence.
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Dans le même élan, le gouvernement lance une consultation publique qui a permis à tous les Français qui le souhaitaient de s’exprimer sur onze mesures réparties en quatre thématiques : droits et obligations des influenceurs, propriété intellectuelle, protection des consommateurs ou encore gouvernance du secteur. À l’issue de cette concertation en ligne - à laquelle 19 000 personnes ont participé - des groupes de travail ont été constitués, en concertation avec toutes les parties prenantes du secteur. C’est le 24 mars dernier que le ministère de l’Économie a enfin présenté les résultats de ces travaux devant le Parlement. Une proposition de loi transpartisane, portée par les députés Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta, est retenue après examen par la commission des affaires économiques. Dans le détail, le texte vise à définir la profession d’influenceur, d’en faire une activité commerciale à part entière, soumise aux mêmes règles et aux mêmes sanctions.
Mais alors que la proposition de loi, qui met toutes les parties prenantes d’accord, débute son examen à l’Assemblée nationale le 28 mars, plus de 170 amendements sont versés au texte. Pour le secteur, c’est la douche froide. Certains des amendements démontrent une totale méconnaissance de l’activité des influenceurs. Par exemple ? Cet amendement qui propose de créer un label pour les influenceurs dignes d’être mis en avant par les algorithmes des réseaux sociaux… En réponse, l’UMICC se sent dans l’obligation de réagir et publie une tribune dans le JDD, « signée » par une centaine de créateurs de contenus. Objectif : soutenir la proposition de loi tout en mettant en garde contre des amendements inadaptés ou trop extrêmes qui viendraient pénaliser tout un secteur économique. La tribune tente d’expliquer aux députés comment fonctionne concrètement la profession. Mais au lendemain de sa publication, une polémique éclate. Plusieurs influenceurs signataires, se retirent, dont le youtubeur numéro un en France, Squeezie. En cause : la tribune est « maladroite », « mal écrite », et semble aller à l’encontre de la volonté de réguler le secteur, donc défendre les « influvoleurs ». L’UMICC s’en défend. Squeezie reprend la parole sur TikTok. Et la loi, elle, poursuit son chemin au Parlement.
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En attendant son vote, Bruno Le Maire a pris une initiative proactive en annonçant la création d’une « brigade de l’influence commerciale » qui sera formée par 15 agents de la DGCCRF dans les semaines à venir. Cette brigade aura pour mission de surveiller et, si nécessaire, de sanctionner les créateurs, et les 15 nouveaux postes créés s’ajouteront aux effectifs existants de la DGCCRF, un service du ministère de l’Économie spécialisé dans la répression des fraudes. Un guide de bonne conduite de l’influence a également été mis en ligne sur le site du gouvernement.