Le ministère américain de la Justice a porté plainte ce 24 janvier contre le géant de la recherche sur internet Google pour «monopole» sur le marché de la publicité en ligne, d'après un document judiciaire.
« Google a utilisé des méthodes anticoncurrentielles et illégales pour éliminer, ou réduire drastiquement, toute menace à sa domination sur les technologies utilisées pour la publicité numérique », assène l'autorité. Le ministère et huit Etats américains, dont la Californie et New York, demandent à la justice de condamner le groupe californien pour infraction au droit de la concurrence, de lui faire payer des dommages et d'ordonner la cession de ses activités liées à la vente d'espaces publicitaires en ligne.
La plainte explique que Google contrôle aussi bien les technologies utilisées par « quasiment tous les sites web » pour vendre des bandeaux ou fenêtres pop-up aux marques, que les outils dont se servent les annonceurs pour acheter ces espaces, ainsi que le marché où ont lieu les transactions. « Les dommages sont clairs: les éditeurs de sites internet gagnent moins, et les annonceurs dépensent plus », assènent les plaignants.
« Bien que Google ait affaire à une concurrence accrue depuis quelques années, sa part de marché reste inégalée », note Evelyn Mitchell, analyste d'Insider Intelligence. Selon elle, le groupe récolte plus d'un quart de toutes les dépenses publicitaires numériques et plus de la moitié des recettes publicitaires adossées aux recherches en ligne.
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Le ministère « essaie de désigner des gagnants et des perdants » dans le secteur de publicité numérique, qui est « déjà hautement concurrentiel », a réagi un porte-parole de Google. La société dit estimer que si le ministère l'emportait, son approche « ralentirait l'innovation, augmenterait les frais de publicité et rendrait plus difficile la croissance de milliers de petites entreprises et d'éditeurs ».
« La concurrence pour les recettes publicitaires est féroce en ligne et hors ligne », appuie la CCIA (Computer & Communications Industry Association) dans un communiqué. Cette association professionnelle qui représente l'industrie estime que le ministère devrait prendre en compte l'ensemble du marché publicitaire, pas seulement la partie numérique.
« La position du gouvernement selon laquelle les pubs en ligne ne sont pas en concurrence avec le papier, la radio, la télévision et les panneaux dans la rue défie la raison », lance la CCIA. Mais pour le ministère et les huit Etats, c'est bien d'internet qu'il s'agit.
« Un internet ouvert » est « indispensable à la vie américaine », énonce la plainte en introduction. Les plaignants font valoir que les publicités numériques sont nécessaires pour financer les sites internet, et qu'elles sont « achetées et vendues dans des volumes énormes en quelques fractions de seconde », selon un fonctionnement très différent de celui des journaux imprimés ou régies des chaînes télévisées.
« Plus de 13 milliards de publicités sont vendues chaque jour » sur le web aux Etats-Unis, ajoutent les plaignants. Ils assurent que Google a abusé de sa position dominante pour exclure ses rivaux, notamment en « prenant systématiquement le contrôle d'une large variété d'outils high-tech utilisés par les éditeurs, les annonceurs et autres acteurs du marché ».
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« Nous accusons Google d'avoir capté les revenus des éditeurs pour ses propres profits et punis ceux qui cherchaient des alternatives », a déclaré la ministre adjointe Vanita Gupta, citée dans un communiqué. « Ces méthodes ont affaibli l'internet libre et ouvert, et fait augmenter les coûts pour les entreprises et pour le gouvernement des Etats-Unis, y compris l'armée », a-t-elle insisté.
C'est la deuxième plainte lancée par le ministère contre le groupe californien depuis l'investiture du président Joe Biden il y a deux ans. La première, qui porte sur la domination de son moteur de recherche, doit déboucher sur un procès cette année. Google a déjà été condamné dans le passé à des amendes pour infraction au droit de la concurrence, notamment par l'Union européenne.
Aux Etats-Unis, l'entreprise affronte déjà des poursuites lancées fin 2020 par une coalition d'Etats emmenée par le Texas. Selon leurs accusations, Google a cherché à évincer toute concurrence en manipulant les ventes aux enchères publicitaires. « Google devrait être inquiet », constate Evelyn Mitchell. La société « pourrait être forcée de vendre une partie de son activité publicitaire ».
Joe Biden a récemment appelé les élus républicains et démocrates à se mettre enfin d'accord sur des lois pour mieux réguler les pratiques des géants technologiques.