À l’occasion de la conférence Adobe Max, qui s’est tenue fin octobre à Los Angeles, Michael Cioni, son directeur global innovation, partage sa vision sur la place que pourrait prendre l’intelligence artificielle dans le secteur de la création.
Quelle place occupe l’intelligence artificielle aujourd’hui dans l’industrie de la création ?
Michael Cioni : Comme le dit le CEO d’Adobe, Shantanu Narayen, l’intelligence artificielle doit être le copilote des créatifs. L’IA ne les remplace pas dans le processus de création, c’est un copilote qui les aide à avancer plus vite. Ce que les créatifs détestent par-dessus tout, c’est d’être bloqués par des aspects plus techniques, ce que j’appelle le « processus utilitaire ». Par exemple, détourer un objet n’est pas créatif, c’est quelque chose d’utilitaire que vous avez besoin de faire. C’est en cela que l’IA peut les aider, pour leur libérer du temps pour la création.
Quel est le potentiel de l’IA dans le monde de la création ?
Ce à quoi je travaille, c’est ce que nous appelons « computational editing » [édition informatique]. C’est le processus qui permet à un ordinateur de créer un premier montage. Si l’IA peut analyser le script, l’image, l’audio, les visages, la localisation et même connaître le style du réalisateur, la machine peut assembler et éditer une première version. C’est ça l’édition informatique. C’est un exemple de ce que l’IA peut faire en tant que copilote des créatifs.
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Faut-il avoir peur de l’IA ?
Il y a 20 ans, quand on commençait à dire de ne plus tourner avec des pellicules et de le faire en digital, les gens avaient peur. Ils se disaient que ça allait casser leur créativité, ils n’étaient pas prêts pour ça. Aujourd’hui, c’est pareil avec l’IA, c’est le bon moment pour ne plus avoir peur de l’IA. Les gens commencent à comprendre comment l’IA va être utilisée ; les avancées technologiques font qu’elle va être utile et puissante. Et Adobe en fait quelque chose de concret, de pratique d’un point de vue créatif. L’une des choses sur lesquelles nous travaillons, c’est de relier ce qui est dit dans une vidéo à l’édition de la timeline. Ça vous permet d’éditer un document et de couper votre vidéo en même temps. C’est ça de l’IA concrète.
Qu’est-ce qui tire l’innovation chez Adobe ?
C’est difficile à dire car Adobe a beaucoup de points de contact avec ses utilisateurs. Mon sujet à moi, c’est de réduire au maximum le temps nécessaire entre la production et la post-production. Il faut parfois attendre une semaine, peut-être même un mois, entre le moment où vous tournez un film et celui où vous pouvez le voir. Ce n’est pas acceptable car ce délai casse le processus créatif. Ma mission est de supprimer au maximum ce temps entre le tournage et l’editing.
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En tant que directeur de l’innovation, quel est le principal obstacle auquel vous devez faire face ?
Ce que je préfère dans mon job, c’est de construire une équipe. Si vous pensez comme un coach, il ne suffit pas de décréter que vous allez gagner le championnat, vous devez construire une équipe, et ça prend des années. Ce qui m’anime dans mon job, c’est de m’assurer que je construis la meilleure équipe possible pour résoudre les problèmes qu’on rencontre. J’aime montrer à mon équipe une image sombre de l’océan, avec de grosses vagues, un ciel orageux… C’est un endroit dangereux. Quand je recrute des gens, c’est ce que je leur dis. J’essaie de convaincre les candidats de ne pas accepter le poste en leur disant que ce job est horrible, que ça va être dur, qu’ils ne vont plus voir votre famille… Comme ça, si la personne accepte le poste, je sais que c’est la bonne, car elle a un niveau élevé de tolérance à la douleur. C’est ainsi que je construis mon équipe. C’est la partie la plus difficile dans le secteur de l’innovation : c’est facile de construire des technologies si vous avez la vision, mais c’est difficile de trouver l’équipe qui peut faire de cette vision une réalité.