Elles ont connu une véritable hype dans les années 2015-2017. Depuis, on en entend moins parler. Quel est l'état du marché des montres connectées aujourd’hui ? Et demain ?
- La phase d’emballement
Annoncée comme la rupture technologique après le smartphone, la montre connectée promet de nombreuses fonctionnalités : appels téléphoniques, messages, notifications, reconnaissance vocale, capteur de mouvements, GPS, capteur cardiaque… Si l’objet s’est véritablement démocratisé après les années 2010, en réalité, il trouve ses origines il y a quarante ans. C’est la marque japonaise Seiko qui, en 1982, propose le premier modèle du genre. Nommée Pulsar NL-C01, cette montre pouvait agréger 24 bits d’informations et se raccorder à un clavier. En 2009, le constructeur sud-coréen Samsung sort la première montre-téléphone. En 2012, Pebble finance sa montre connectée grâce à une campagne Kickstarter de grande ampleur et enclenche l'engouement du public. Mais c’est bien-sûr Apple qui va provoquer l’ouragan en 2015 en dévoilant son Apple Watch, qui reste à ce jour la smartwatch la plus vendue au monde. À partir de cette date et jusqu'en 2018 environ, marques et médias vont s'emballer pour ce nouveau support de communication. Les communiqués de presse pleuvent. Chacun veut se faire une place sur le petit écran des montres connectées, et surtout, être le premier à y proposer ses services…
- L’installation du marché
Sept ans plus tard, passé cette phase d’hyper-communication, les smartwatchs font moins parler d’elles. Mais, selon Thomas Husson, vice-président de Forrester, « on aurait tort de penser que les montres intelligentes sont passées de mode et tombées aux oubliettes. C’est un marché qui est en très forte croissance ». Le marché global des montres connectées était évalué à 68,59 millions d'unités en 2020, avec une croissance constante de 24% jusqu'en 2021. Il devrait atteindre 230,3 millions d'unités d'ici à 2026, selon les estimations. Malgré un refroidissement de la demande après des années de croissance (notamment une explosion durant la pandémie) due en grande partie à la guerre en Ukraine qui a perturbé les chaînes d'approvisionnement, les exportations mondiales de smartwatchs ont augmenté de 13% pour atteindre environ 33,7 millions d'unités au premier trimestre 2022, selon IDC. Sur ce marché, l'Apple Watch reste impossible à détrôner. Elle représente 36% des parts de marché et semble surtout populaire auprès des consommateurs les plus jeunes. Derrière Apple, les marques comme Samsung, Amazfit et Garmin ont également enregistré une croissance supérieure à la moyenne du secteur. «Un autre segment du marché, les montres connectées à moins de 100 dollars, connaît également une croissance explosive, rapporte de son côté Yv Corbeil, managing director and chief creative officer de Niji. Les ventes ont progressé de 547% en une année, particulièrement aux États-Unis : ce segment est porté par des marques comme Xiaomi, Realme, Oppo, Noise ou encore BoAt. » En ce qui concerne les taux d’équipement, selon un rapport de Counterpoint Research, cette technologie serait portée quotidiennement au poignet par plus de 100 millions d’utilisateurs à travers la planète. Et, selon les données de Forrester, il est de 25% en France (28% en Europe, 27% aux États-Unis). Au niveau des usages, c’est majoritairement la santé qui intéresse les acquéreurs français (65%) : tracker d’activité, cardio, température, nombre de pas, etc. Loin derrière, les consommateurs déclarent utiliser leur montre pour consulter les réseaux sociaux (14%), pour les fonctionnalités de chat vidéo (14%), pour le contrôle domotique (10%) ou pour les transactions (achats, réservations…) (10%). «Il subsiste une belle marge de progression, qui représente un bon relais de croissance pour les fabricants de smartphones», assure Thomas Husson.
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- Les potentiels à venir
Si à son avènement, la montre connectée a peiné à faire totalement ses preuves, en raison notamment de son prix et de son autonomie limitée, au fil du temps, elle a su s’imposer dans certains secteurs (sport et santé, notamment) grâce à ses fonctionnalités de suivi : cardiofréquencemètre, décompte de pas, de calories, etc. « Les montres sont un device complexe à cerner pour les marques : leur valeur ajoutée réside dans un usage fonctionnel venant compléter l’expérience mobile. Aujourd’hui, les perspectives d’évolutions portent surtout sur un usage médical, dans le cadre de la health tech », observe Yv Corbeil. L’arrivée de l’électrocardiogramme sur l’Apple Watch 4, validé notamment par la Food and Drug Administration (autorité américaine de contrôle des aliments et des médicaments), et homologué en France, lui a conféré un nouveau statut de surveillance médicale.
Un autre usage qui pourrait se développer serait l’inclusion des personnes en situation de handicap. La montre connectée DOT vient notamment d'ajouter de nouvelles fonctionnalités à destination de millions de personnes malvoyantes. Là où il y a quelques années, les marques envisageaient la montre comme un nouveau point de contact avec leurs consommateurs, se contentant de décliner leurs services sur ce nouveau canal, aujourd’hui, le marché a réalisé qu’il fallait la considérer comme une extension du smartphone, et développer les usages à partir de ses particularité : portées au poignet, en contact direct avec le corps, écran plus petit, etc. « L’enjeu aujourd’hui pour les marques, c’est d’avoir une approche des micro-moments, d’anticiper la demande du consommateur, de jouer sur le contexte, sur les notifications. Elles prennent tout leur sens dans le secteur des transports, avec un rôle d’alerte (changement d’horaires, de point de rendez-vous…), par exemple. L’usage proposé sera de plus en plus ciblé, segmenté », entrevoit Yv Corbeil. Elle permettra de payer nos courses, nous rappellera quand sortir du métro ou du train, sera en mesure d’ouvrir notre chambre d’hôtel… Et ainsi de se substituer au téléphone dans ces gestes du quotidien.
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