Après avoir jeté l'éponge avec fracas en raison de ses doutes sur la proportion de faux comptes, le patron de Tesla a proposé à Twitter de le racheter au prix convenu en avril. Et ce, à deux semaines du procès prévu entre les deux parties.
Elon Musk a de nouveau changé d'avis. Le patron de Tesla a finalement proposé à Twitter de racheter le réseau social au prix convenu en avril, à deux semaines du procès prévu entre les deux parties sur cette acquisition mouvementée. L'homme d'affaires «entend conclure la transaction envisagée par l'accord de rachat du 25 avril 2022», selon les termes prévus, ont écrit ses avocats dans une lettre adressée au groupe californien le 3 octobre, et déposée le lendemain auprès du gendarme boursier américain, la SEC. Seule condition exprimée dans la lettre : la fin des procédures judiciaires en cours devant le tribunal spécialisé du Delaware.
Le titre de Twitter prenait plus de 22% à la clôture de la Bourse de New York, après avoir été suspendu tout l'après-midi «en attendant des informations», après un article de l'agence Bloomberg qui a révélé ce rebondissement.
Elon Musk avait proposé au printemps d'acquérir la plateforme pour 54,20 dollars l'action, la valorisant donc à 44 milliards de dollars. Le conseil d'administration, d'abord très réticent, avait fini par accepter. Mais le fantasque entrepreneur était revenu unilatéralement sur cet accord en juillet. Twitter avait alors lancé des poursuites pour le forcer à honorer son engagement, et tout indiquait qu'il était bien positionné pour l'emporter.
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Le 4 octobre, le groupe a confirmé dans un bref communiqué «avoir reçu la lettre» et avoir l'intention «de conclure cette transaction» au prix défini. «C'est un signe clair que Musk reconnaît que ses chances de gagner (...) sont très faibles et que le rachat à 44 milliards allait devoir avoir lieu d'une façon ou d'une autre», a réagi l'analyste Dan Ives de Wedbush Securities.
Elon Musk avait bombardé Twitter de critiques avant et après la signature du contrat, accusant notamment la plateforme de censurer les utilisateurs. Il avait justifié son retour en arrière en affirmant que la proportion de spams et de faux comptes sur la plateforme était largement supérieure à 5%, le chiffre avancé par l'entreprise de San Francisco.
Le procès devait théoriquement se tenir du 17 au 21 octobre, mais il n'aura pas lieu si Twitter accepte cette nouvelle offre. Le multimilliardaire n'a pas dit pourquoi il avait changé d'avis, mais s'est fendu d'un tweet cryptique : «Acheter Twitter est un accélérateur pour créer X, l'appli pour tout». X.com était une start-up de services bancaires en ligne cofondée par Elon Musk en 1999, intégrée par la suite à PayPal. Le patron de Tesla (voitures électriques), SpaceX (fusées) et Neuralink (implants cérébraux) a racheté le nom de domaine en 2017.
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En août, interrogé sur Twitter sur la possibilité de créer son propre réseau social, il a répondu «X.com». «J'ai une sorte de grande vision pour ce que X.com ou l'entreprise X aurait pu être. (...) Je n'ai pas besoin de Twitter, mais Twitter pourrait probablement l'accélérer de trois ans. Je pense que c'est quelque chose qui pourrait être très utile pour le monde», a-t-il aussi élaboré lors de l'assemblée générale de Tesla.
«Selon certaines spéculations, Musk aurait pu avoir à payer des intérêts substantiels s'il avait fait appel, et donc devoir débourser bien plus que les 54,20 dollars par action», commente Adam Badawi, professeur en droit des affaires à l'université de Berkeley.
Le clan Musk semblait avoir gagné un point lorsque Peiter Zatko, l'ex-chef de la sécurité de Twitter licencié en janvier, a accusé fin août le groupe d'importantes failles de sécurité, dans un rapport remis aux autorités américaines. Mais lors d'audiences préliminaires, les avocats du multimilliardaire semblaient peiner à étayer les accusations sur les comptes automatisés.
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La balle est désormais dans le camp de l'oiseau bleu, qui va exiger «un contrat blindé cette fois-ci», estime Adam Badawi. «Ils vont vouloir que Musk avance une bonne partie de la somme totale» avant de signer, ajoute-t-il.
Quelque six mois après le début de la saga, la possibilité que l'homme le plus riche au monde devienne propriétaire de Twitter est donc de nouveau d'actualité, au grand dam de nombreux utilisateurs et politiques. L'accord d'avril avait en effet été accueilli avec beaucoup d'émotions, des angoisses de la gauche à la joie de la droite à l'idée qu'Elon Musk assouplisse le règlement et la modération des contenus.
«La plateforme va devenir un moteur de radicalisation s'il applique ne serait-ce qu'une fraction de ce qu'il a promis», a déclaré Angelo Carusone, président de l'ONG Media Matters for America, dans un communiqué publié le 4 octobre.