La recherche de croissance via l’IA est devenue le principal objectif des entreprises. Quoi qu’il en coûte?

Voilà, on y est, première chronique, premier billet. D’un côté, honorée d’avoir été sollicitée ; d'un autre, quel défi que de passer après Gildas Bonnel, et ses, je crois, 55 Billets Verts ! 

Arrive ensuite le sujet. Il s’agit d’un numéro spécial digital, me dit-on. Alors, forcément, comme tout le monde aujourd’hui, je pense Intelligence Artificielle, IA pour les intimes. Et là, il est clair que nous ne sommes pas dans une tendance passagère comme avec le métavers par exemple. Là, c’est une transformation, un bouleversement de notre société en profondeur. L’IA est partout, qu’on en ait conscience ou non. On ne peut pas faire comme si elle n’existait pas, comme si elle allait passer de mode. Ses usages sont multiples et touchent tous les domaines. Certains changements sont d’ailleurs déjà bien présents.

Quand l’IA est apparue, révélée ensuite au grand public par l’IA générative, les entreprises ont foncé tête baissée dedans avec un mot d’ordre, la productivité. Et en effet, 84% des dirigeants ont constaté une amélioration de leur productivité grâce à l’IA. Aujourd’hui, c’est la recherche de croissance via l’IA qui est devenue l’objectif premier poursuivi par les entreprises. Croissance avec un petit côté, il faut bien le dire, « quoi qu'il en coûte ». Une injonction à produire, innover en fermant les yeux sur les (nouveaux) impacts sociétaux et environnementaux générés. On verra plus tard, on n’a pas le temps. Pourtant par expérience, pour n'importe quel projet, avoir une approche systémique dès le début, c'est non seulement être plus efficace et gagner du temps, mais aussi et souvent, réduire les coûts.

La politique de l’autruche

Donc on ferme les yeux, on oublie ce qu’on sait déjà. On sait déjà que pour entraîner l'IA sur des quantités énormes de données, il y a une main-d'œuvre qui traite de l'information brute à l'autre bout du monde, payée presque rien.

On sait déjà que l’IA ne respecte pas par défaut les droits d’auteur sur les contenus qu’elle absorbe pour se former.

On sait déjà que l'IA, et les progrès de l'IA, sont intrinsèquement liés à une forte consommation d'énergie et d'eau (dont on a dépassé la limite planétaire), notamment pour les fameux milliers de centres de données dans le monde. Et on sait aussi qu'on n'en connait qu'une toute petite partie ! De fait aujourd'hui, 43% des entreprises ne mesurent pas les émissions nettes des gaz à effet de serre causées par l'intelligence artificielle. Sans parler du sujet de transparence des données des modèles, puisque, a priori, les émissions des data centers d’acteurs incontournables de l’IA seraient 662% plus élevées que les chiffres officiels !

On sait déjà que l'IA, sans contrôle humain, peut « halluciner », engendrer de la désinformation, recréer des stéréotypes, faire de la discrimination… Et quand on sait que 59% de la Gen Z dans le monde fait confiance à l'IA pour ne pas faire preuve de discrimination versus 47% en ce qui concerne les êtres humains

On sait déjà que les créateurs de l'IA ne sont pas très divers puisque selon l'Unesco, seulement 22% des personnes qui conçoivent des algorithmes sont des femmes ; et que ce manque de diversité peut conduire l'IA à reproduire des biais, à ne pas être objective.

On sait déjà que l'IA commence à recréer de nouvelles fractures en n’étant pas accessible à tous, citoyens comme entreprises, ceux qui l'utilisent n’étant pas toujours ceux qui en ont besoin.

On sait déjà que la toute dernière technologie d'IA générative n'est pas toujours la solution la plus juste pour la tâche demandée. Par contre, la plus impactante pour l'environnement et le budget très certainement.

On en sait déjà beaucoup sur l’IA. Assez pour avoir un regard critique dès maintenant et commencer à l’optimiser. Assez pour se poser systématiquement la question si les bénéfices de ce qu'on développe avec l'IA sont bien supérieurs à ses impacts négatifs en termes environnementaux et sociétaux. On en sait déjà trop pour (encore) dire après, on ne savait pas.

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