Non, je n’annonce pas le retour de Mr Big, l’amoureux de Carrie Bradshaw dans Sex in the City, ni la réunion en boys band à Hawaï de mon rappeur préféré Notorious BIG avec Elvis Presley et Michael Jackson. Mais force est de reconnaître : après vingt ans à chanter les louanges des start-up, à les envier, la mode printemps-été 2023 est taillée XXL.
Les « petits » sont au régime. Selon une étude récente de l’Essec, les levées de fonds ont chuté en 2023 de 48% en Europe et même 57% en France (par rapport au premier trimestre 2022). Et s’il y a bien un domaine dans lequel on ne perçoit pas les effets de l’inflation, c’est celui de la valorisation des entreprises de croissance : les tours de financement ont baissé significativement en valeur et le nombre de levées de fonds supérieures à 50 millions a chuté de 53%. Principale raison ? Les gros et les meilleurs s’étaient déjà mis à l’abri « quand la bise fut venue », pour reprendre les mots de La Fontaine. Les financements continuent heureusement, mais ils se concentrent sur les deeptech, l’industrie lourde du domaine : quantique, énergie et… intelligence artificielle bien sûr.
Regardons aussi au-delà de l’Europe vers la Silicon Valley : elle reprend du poil de la bête après que sa domination a été « grignotée » par d’autres écosystèmes depuis son quasi-monopole de 2012, au point d'atteindre sa plus faible part relative dans les levées de fonds en 2022.
En parlant de grosse bête, penchons-nous sur le « Phénix des hôtes des bois » de 2023, OpenAI et son ChatGPT. Mesurons alors qu’après tant d’efforts à vanter l’agilité des start-up, leur capacité à être « lean » (maigre), cette entreprise opère une solution technologique dont les seuls coûts de calcul seraient supérieurs à 700 000 dollars par jour. C’est beaucoup. A tel point qu’on évoque depuis un mois une levée de fonds de 100 milliards de dollars. Du jamais vu ! Un financement qui serait sans doute à l’échelle des besoins du projet avec plus de 540 millions de dollars de pertes pour 28 millions de revenus en 2022.
Sam Altman, l'ambition XXL
Son principal fondateur, Sam Altman, est fascinant, il n’en est pas à son coup d’essai avec OpenAI. Déjà, il avait offert au monde Y Combinator, l’accélérateur de start-up le plus fameux, hors norme et compétitif – à l’origine d’Airbnb, Stripe, Instacart, Dropbox, Twitch… Un Elon Musk en plus convenable. Il se lance en parallèle dans le plus grand défi du siècle, celui de la fusion nucléaire avec la start-up Helion. Et comme pour l’intelligence artificielle à grande échelle, Altman nous annonce crânement la mise en service de cette technologie révolutionnaire, l’énergie infinie et propre, pour… 2028, là où les calendes grecques étaient la date la plus fiable et proche jusqu’ici.
Microsoft fut le premier partenaire et financeur d’OpenAI et comme on ne change pas une équipe qui gagne, Helion a noué le même partenariat avec la Big Tech de Seattle. Microsoft, qui a déjà décroché Alphabet, Amazon, sans même parler de Meta, talonne Apple à 2 500 milliards de dollars (!!!) de capitalisation. Très très big.
Pour moi qui ai commencé ma carrière alors que Microsoft semblait le grand méchant au début des années 2000, quelle surprise et quelle transformation, de le voir revenir en grand gentil, et dans le beau et premier rôle, comme dans un film de Tarantino. Microsoft est sans doute le meilleur symbole de ce « big is back ».
Et puisque nous sommes en juin et que ce numéro de Stratégies est dédié à la tech, comment ne pas évoquer VivaTech ? Si après le covid, les festivals, salons ou conférences ne sont plus légions, VivaTech fait le plein en Europe. Fort de son ADN : permettre aux gros d’inviter les petits. Nos plus grandes entreprises se parant de leurs plus beaux atours, ceux du « big is beautiful », pour séduire les start-up et leurs futurs collaborateurs, VivaTech arrive comme le punctum de cette tendance.
Petits, l’avenir est à vous pour autant. Il faut seulement retenir deux stratégies pour ce moment nouveau : savoir grandir à l’ombre des gros ou, tout au contraire, se donner comme un Altman, les moyens d’une ambition XXL. Un nouveau cycle a débuté. La meilleure nouvelle pour vous, petits et grands, c’est que le niveau est bien meilleur et la collaboration plus facile et fructueuse qu’au début du précédent.
