Michel Hébert, président fondateur de l’agence Jump (groupe BDDP puis TBWA) est décédé à l’âge de 78 ans. Georges Chapuis, son ancien associé et directeur de création de Jump, lui rend hommage.

Michel vient de nous quitter. Comme l’écrivit Raymond Radiguet : « J’ai reconnu le bonheur au bruit qu’il fit en partant ». Quand il m’a engagé il avait gagné la confiance des Wonder boys de BDDP et venait de quitter FCA Lyon pour créer Jump avec Jacques Weiss, un commercial endurant et estimé de tous. Choc des extrêmes, entre le pied noir élégant et plutôt rassurant et le Viet carrément fou, le courant est tout de suite passé car nous étions portés par une folle envie commune : ne pas rester les petits régionaux de l’étape et bâtir la meilleure agence hors Paris, en sortant Lyon de sa frilosité et de son conservatisme ambiant.

À l’époque tout le monde nous a pris pour des fous. Devinez la suite, c’est le monde de la pub Lyonnaise qui l’est devenu !

Avec l’accord de nos associés, nous avons recruté des talents pour obtenir la meilleure première ligne du marché : Daniel Giessner un grand directeur artistique avec lequel j’ai toujours été en team et Philippe Brossat, futur directeur général, fin stratège à la conviction communicative, au développement. Michel Reybier, que Michel avait su séduire en gagnant déjà une grosse compétition contre de belles agences Parisiennes, nous confia ses marques Justin Bridou et Jambon d’Aoste. Grâce aux campagnes télévisées cela donna rapidement une visibilité à notre jeune agence.

Good old time, nous n’avions peur de rien et surtout de personnes, les succès s’enchaînaient, les confrères locaux nous redoutaient et pire, nous jalousaient. Nous enchaînions gros risques stratégiques et créatifs pour rapatrier les grands annonceurs Rhônalpins.

À l’époque la Pub était choyée par les médias, beaucoup avaient même une rubrique spécialisée. Nous avons surfé sur ce courant en multipliant les « coups » comme l’annonce sur les portefeuilles gouvernementaux pour Le Tanneur, bénéficiant ainsi de nombreuses retombées.

« Entrepreneur dans l’âme »

Mais surtout, entrepreneur dans l’âme et visionnaire, Michel a su très vite qu’il fallait créer un groupe polyvalent pour accélérer notre développement et, là encore, ne se trompa pas pour recruter les managers : Didier Proudhon qui vient de prendre sa retraite après avoir fait émerger la première agence de packaging et d’identité visuelle en région, Colette et Christian Gagnol formidables d’enthousiasme pour le BtoB, Jean-Pierre Rousval qui avait créé le planning stratégique de Y & R pour le conseil stratégique et Nathalie Aubrun pour le médical. Entretemps, Éric Bontpart, qui avait été notre meilleur stagiaire avait rejoint les managers.

Certes par deux fois j’ai quitté l’agence mais j’ai fait néanmoins un long bout de chemin avec Michel Hébert et j’ai heureusement plus de bons souvenirs que de regrets.

Le meilleur est la campagne que nous fîmes comme au bon vieux temps, en duo commando et en temps record, pour l’introduction en Bourse de Bernard Tapie Finances. Brief commun à une multitude d’agences, idée trouvée dans le TGV de retour (clouer le bec de Tapie), une petite semaine pour travailler et présentation en 15 minutes en présence d’un invité mystère qui n’était autre que Bernard Pilhan, parachuté par François Mitterrand. Il conseilla à Tapie de nous choisir, je sais que Michel en était légitimement fier, d’autant plus que nous eûmes le Grand Prix Stratégies Rhône-Alpes.

Sa seule erreur à mon sens, et cause de mon deuxième divorce, fut de s’acharner à racheter une agence pour s’implanter à Paris alors qu’il y avait déjà deux offres fortes dans le groupe. J’étais plutôt partisan de fédérer toutes les agences du réseau BDDP en s’appuyant sur ce qui faisait notre spécificité, l’alliance de la proximité et d’un binôme stratégie/création fort. Mais il voulait coûte que coûte mettre sa plaque dans la capitale, allez savoir pourquoi ? Les meilleurs étaient pris, l’aventure tourna court. Fin du mirage parisien.

« Élégant et combatif »

Heureusement Michel aimait écrire, il écrivait donc sur ce métier qu’il aimait tant, alors qu’il n’était pas facile de le faire après un certain… Jean Marie Dru. Comme il avait une grande puissance de travail il le fit néanmoins avec la pugnacité qui le caractérisait et un succès certain. De nombreux ouvrages en témoignent.

Toujours tiré à Quatre épingles et grand sportif, Michel mettait la même hargne sur les courts de tennis que dans les compétitions publicitaires et entretenait un physique qu’il savait avantageux mais dont il n’abusait pas. Du pied noir il avait su prendre le meilleur, il nous lègue son charme, son élégance, sa combativité et son regard toujours tourné vers demain.

J’ignore ce qu’il pensait avant que cette terrible maladie l’empêche progressivement de le faire car c’était un homme secret qui se confiait peu. Je ne sais pas s’il a eu le temps de réaliser tout ce qu’il a accompli. Nous oui.

Michel était un grand manager apprécié et respecté, au courant de tout ce qui se passait dans l’agence. Très grand bosseur, il a su faire partager son amour du métier à tous ceux à qui il manque terriblement aujourd’hui.

Je suis sûr qu’il est déjà au paradis des entrepreneurs. Comme je le connais, il doit être en train de discuter avec Saint Pierre de la création d’une multinationale de clés. Mais ce sera lui le patron !

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.

Lire aussi :