Benjamin Marchal, le codirecteur de la création de TBWA Paris, avec Faustin Claverie, nous livre ses conseils pour décrocher des Lions à Cannes. Il a remporté 57 Lions depuis 2005.

Benjamin Marchal fait ses armes chez DDB où il reste huit ans en tant que directeur artistique. Il rejoint BBDO en 2012 où il devient directeur de création en équipe avec Olivier Lefebvre, puis part chez Fred & Farid, où il est notamment primé de cinq lions à Cannes en 2014 pour la campagne Guy Cotten. Au cours de son parcours, il reçoit de nombreuses récompenses pour ses campagnes « A new Warrior » pour Greenpeace, « Golden Chains » pour ALB Sony, « The Naked Man » pour La Redoute (Lions, Eurobest, Clio)… En 2015, il rejoint TBWA Paris en tant que directeur de la création, en équipe avec Faustin Claverie. Ils ont permis à TBWA Paris d’être l’agence française la plus primée aux Cannes Lions 2019 et DC de l’année aux Club des directeurs artistiques 2022. Benjamin Marchal a remporté 57 Lions depuis 2005. Voilà ses conseils pour remporter des Lions.

1. Penser à l’impact sociétal

« Le premier point important à mon sens : c’est la nature du sujet traité. S’il n’y a pas d’engagement sociétal de la marque ou un impact sur les us et coutumes et les mœurs dans la société, cela a peu de chances d’arriver au bout. Le corporate image a toujours existé, mais c’était le rôle des agences corporate, et pas celui des agences généralistes comme TBWA dont l’objet est de faire de la publicité pour vendre des produits. Aujourd’hui, c’est vrai que l’on a du mal dans les festivals à retrouver des prix qui récompensent une campagne pour vendre un hamburger, du ketchup, une voiture… Or c’est juste la nature de ce que l’on fait. Le corporate image est devenu primordial puisque c’est la part de cœur que l’on va aller chercher. Dans une journée, les jurés peuvent visionner 200 cases de deux minutes. Qu’est ce qui va émerger de ce tunnel de cases d’une journée ? Qu’est-ce qui va les emporter ? Qu’est-ce qui va les toucher ?… »

2. Créer de l’engagement

« Quoi que l’on fasse en création, est-ce que ça génère l’engagement d’une communauté et une forme de viralité ? Ce que l’on recherche c’est du véritable engagement, pas uniquement du buzz. L’engagement, ça nécessite de créer une conversation plus approfondie sur un sujet, on est passé du buzz à l’engagement. Le buzz est éphémère, l’engagement va travailler plus le muscle et la profondeur de la marque. L’engagement, c’est difficile à quantifier en amont parce qu’on veut tous en faire maintenant.

Comment y arriver ? Vous savez quoi, cela consiste à tomber au bon moment avec le bon craft, la bonne idée qui a une caisse de résonance avec une actualité peut-être et ça crée une forme d’engagement. Donc je dirais que l’engagement est un ingrédient primordial sur le papier, qu’on essaie tous d’atteindre. »

Retrouvez la masterclass de Benjamin Marchal en vidéo :

3. Faire rayonner sa création

« On a ensuite les relations publics, et c’est essentiel ! L’objectif : faire en sorte que l’idée se répande, sous la forme d’une conversation. C’est essentiel parce que si on ne parle pas derrière, on a beau avoir la communauté qui en parle, si ce n’est pas relayé en dehors de la communauté plus largement sur le grand public ou des journalistes, cela veut dire que l’idée n’a pas assez rayonné… d’après ce que nous disent les règles pour juger. Personnellement, les règles, je ne les ai jamais écoutées, et je pense qu’on est plein à ne pas les écouter. Mais voici les règles des Cannes Lions, dans la note finale : est-ce que ça reste un long list ou ça passe en short list ? Et après, est-ce que c’est un bronze, argent ou gold ? Les relations publics et leurs résultats pèsent 30 % de la note. Vous vous rendez compte, 30 % de la note ? En sachant qu’il faut dire les choses comme elles sont : 80 % des résultats que vous voyez affichés dans un cas sont évidemment transformés et faux. C’est invérifiable. Et pour tout le monde, c’est la course à l’armement pour essayer d’arranger les chiffres, plus ou moins suivant la déontologie des pays et des publicitaires. Mais la plupart des chiffres sont faux et archifaux. Et puis on se bat contre la Chine, contre les États-Unis, donc contre des mastodontes qui ont des populations beaucoup plus larges… C’est la réalité des règles aux Cannes Lions donc les relations publics sont évidemment importantes. »

4. Faire la différence

« J’ai commencé par détailler des ingrédients qui ne sont pas liés à l’idée créative, parce que malheureusement ce sont des prérequis importants. C’est comme ça que de plus en plus les campagnes sont jugées aujourd’hui. Et après, il y a l’idée : il faut, au départ, avoir une idée différente, prendre une part de risque. Exemple : tout le monde dit d’aller à droite, allez à gauche ! Dans ce monde en général, tout est en train de se lisser et il faut retrouver cette forme de spontanéité et d’idées créatives centrales. La nature de l’idée vient souvent, et de plus en plus, d’un effet négatif qui a été créé. Par exemple, un bad buzz. L’illustration type c’est le dommage collatéral qui a eu lieu sur La Redoute, il y a quelques années sur leur site internet : un homme nu s’était retrouvé dans le catalogue photo en ligne. Un internaute avait repéré cet homme nu et cela avait généré un « bad buzz » pour la marque. CLM BBDO, à l’époque, avait réagi en proposant d’inonder le site de La Redoute d’images farfelues et rigolotes comme un crocodile dans une piscine à bulles… L’idée est de générer du positif sur du négatif. Ce rebond avait été auréolé d’un Lion d’or en fin d’année quelques mois après. L’agence Buzzman le fait très bien aussi, c’est un peu les spécialistes aujourd’hui de la « real-time response ». Cela dépend de la nature des annonceurs que vous avez aussi : les annonceurs qui ont une nature plus rock’n' roll si je puis dire, parce qu’ils ne sont pas leaders sur leur marché qui veulent se faire remarquer. « Real-time response » est devenue une catégorie aux Cannes Lions dans laquelle s’inscrivent ces campagnes. Dans cette catégorie « réponse en temps réel », il y a beaucoup d’idées qui émergent qui sont rigolotes, elles sont de l’ordre de l’instantané, on les a oubliées six mois plus tard, et c’est ça qui est intéressant.

Et après, il y a des idées qui sont dans l’air du temps, correspondent à un moment, à un besoin, à une technologie… Par exemple, il y a quelques années, TBWA Paris et Castorama avaient développé le « papier plein d’histoires », le premier papier peint qui racontait des histoires. Il comportait des dizaines de personnages, et quand on les scannait, on pouvait accéder à une soixantaine d’histoires. Cette idée, en plus de resserrer les liens familiaux - ce qui est un peu la tendance dans une société qui se durcit -, est arrivée au bon moment. Il y a de très belles choses chez DDB, chez BETC, partout. Et évidemment à l’étranger… »

5. Soigner son craft

« Ce qui fait partie aujourd’hui des points positifs des Cannes Lions, c’est la place du craft. La technologie est devenue plus prégnante et génère des idées, c’est intéressant. En parallèle, le craft n’a fait que progresser dans tous les domaines en typographie, en motion design, en 3D. On voit que le barème mondial de l’image, c’est devenu Netflix. On a tous, chez nous, des plateformes comme Netflix qui sont en 4K. L’être humain n’est pas capable d’avoir une telle définition, mais c’est pour dire que c’est désormais la pointe de la flèche d’une société qui travaille l’image, de plus en plus. Avec Instagram, tout le monde peut faire et publier des photos, avec un œil aguerri. Avant, cela nécessitait des années de pratique. Donc le craft ne fait que progresser dans ce type de festival, et il doit être au cœur des recettes à travailler. Je pense que c’est important de le dire et de le redire.

Et cela ouvre le champ des possibles aux arts appliqués et aux arts graphiques. Nous avons un métier qui est dans une chaîne artistique et plus vous avez de métiers qui sont mis à contribution, plus cela permet de hausser le niveau, plus le travail collectif va en bénéficier et donc la marque, et in fine la profession. Ça, aujourd’hui, c’est quelque chose de fabuleux. En revanche, l’idée s’est extrêmement amoindrie, on n’ose pas dire les choses, du coup, on évite ce sujet un peu compliqué, et il y a moins de panache. »

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