Malgré la pénurie de talents, les agences affichent toutes des progressions salariales en 2023, selon l'étude exclusive Shefferd pour Stratégies. Les directeurs de création sont mieux gratifiés que les directrices conseil, mais la parité progresse.
Et les gagnantes sont… les femmes ! Selon l’étude Shefferd, que nous publions en exclusivité, les professionnelles de la publicité voient leur rémunération se rééquilibrer en faveur de davantage de parité. Certes, le différentiel reste très important dans les directions de la création (27 000 euros annuels d’écart) mais, dans les autres fonctions, les différences de traitement salarial tendent à s’estomper.
L’égalité est même atteinte ou pratiquement atteinte dans les postes de directrices artistiques, planneuses stratégiques, cheffes de projet commercial, et surtout dans les métiers du digital, exception faite des directions social media. Une évolution patente surtout dans les débuts de carrière qui témoignent d’une mise à niveau paritaire alors que les femmes représentent 58 % des salariés dans les agences.
L’AACC a d’ailleurs travaillé avec les Lionnes pour poser la question de l’égalité et de la perception du niveau de rémunération en même temps qu’elle mesurait les situations de harcèlement dans les agences. « Il ressort de notre enquête salaires 2022 réalisée avec le cabinet Shefferd que la parité a réellement progressé et on peut constater, dans un grand nombre de fonctions, que les écarts n’existent plus ou ont été considérablement réduits », affirme Marie Gabrié, directrice déléguée de l’Association.
Pour cette étude Shefferd-Stratégies 2023, menée auprès de 35 agences représentant 2000 salariés (dont les deux tiers ont moins de 50 employés), Marc de Torquat, le cofondateur et CEO du cabinet, constate des augmentations partout, qui s’ajoutent aux progressions de salaires observées l’an dernier. En effet, la fin 2021 avait déjà coïncidé avec des hausses sensibles, en particulier dans le digital et chez les directeurs de clientèle.
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Mais cette année, on observe aussi des disparités puisque ces augmentations évoluent entre +1,3% et +9,5% suivant les fonctions. « Ce sont des hausses pour répondre à l’inflation mais aussi à une volonté de fidéliser et à la difficulté des agences à recruter, constate-t-il. L’agence n’a pas eu trop le choix : elle ne relève pas du secteur réputé rémunérer le mieux et elle ne lutte pas simplement avec le monde du conseil [Accenture, Capgemini…] ou des start-up, elle fait face aussi à des marques qui intègrent de plus en plus ses métiers ».
Par rapport à une inflation de 6% sur un an en janvier 2023 (Insee), rares sont les postes qui font mieux ou pareil. Citons dans les métiers du commercial les chefs de projets juniors (+6,2%), chez les créatifs les directeurs de création (+9,5%) et, dans une moindre mesure, les directeurs artistiques débutants (+5,9%), et dans le digital les directeurs social media (+6,1%) ou les data analysts (+7,2%) Preuve, selon Marc de Torquat, qu’« il y a encore du travail à faire sur l’attractivité » même si l’on sait qu’un « pilotage très fin » est nécessaire entre la revalorisation de la rémunération de l’agence vis-à-vis de ses clients et l’impact sur les salaires.
Mais la gratification des collaborateurs est un paramètre à ne pas oublier dans sa marque employeur, à côté de l’équilibre vie pro-vie perso, la quête de sens, la RSE ou la qualité de vie au travail. Un signe ? L’étude Shefferd 2022 a montré que le salaire arrive avant le lieu de vie, l’entreprise ou même le métier dans les facteurs d’attractivité des agences. Le chantier de la fidélisation est tout aussi crucial sachant que pour 69% des profils, selon Shefferd, un changement professionnel est intervenu dans les deux années précédentes. « Le phénomène de grande démission s’est donc bien vérifié dans ce secteur », observe l’enquête Shefferd-Stratégies 2023. Le turnover, à 27%, reste très élevé. Les agences ont donc été 100%, selon le panel, à recruter en 2022, plus particulièrement des profils commerciaux et digitaux (89%).
Si l’on ajoute le fait qu’il est de plus en plus difficile de débaucher devant la pénurie de talents, y compris chez les seniors, on mesure combien les agences doivent se réinventer pour rester dans la course. « Les agences sont confrontées à des difficultés de recrutement sur l’ensemble de leurs fonctions, et pas seulement dans le digital, note Marc de Torquat, il est parfois difficile de recruter ne serait-ce qu’un chef de projet ». Dans les grandes enseignes, la tendance a été prise ces dernières années de moins remplacer pour préserver les marges, rappelle-t-il. L’agence doit à la fois miser sur la fidélisation à travers la flexibilité et la réactivité face aux appels du marché, et sur des politiques offensives de recrutement.
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L’engagement dans la transition écologique ou l’inclusion est aussi de nature à renforcer l’attractivité. À l’AACC, Marie Gabrié le remarque elle-même : « Toutes les agences rencontrent des difficultés de recrutement sur certains profils, comme les métiers du digital mais aussi des métiers type chefs de projet ou développement. Hormis la tension qui existe pour toutes les entreprises en France pour les métiers qualifiés, le covid a changé les règles et les aspirations de ceux qui recherchent un emploi. Certains veulent travailler dans des métiers qui leur permettent de participer à un changement de société dans lequel ils croient. Ils veulent se sentir utiles. »
Du coté des structures, il faut distinguer bien sûr entre la petite agence qui souffre pour n’avoir pas pris à temps le virage numérique, par exemple dans les RP, et l’agence digitale ou innovante, très à l’écoute et adaptable qui engrange de beaux budgets « hype ». Bien sûr, il importe toujours de faire envie et d’avoir une stimulation par le groupe ou des mentors. D’autant que les annonceurs se tournent davantage vers de freelances seniors qui leur proposent des prix attractifs en leur faisant bénéficier d’une grande transparence sur les coûts. Cela n’inquiète pas l’AACC : « Le travail sur la marque nécessite l’intervention d’un si grand nombre de compétences que la réponse d’un free lance isolé ne peut satisfaire les besoins complets d’un annonceur », rétorque Marie Gabrié, qui rappelle que les agences font aussi appel à des indépendants.
Quoi qu’il en soit, le monde de la publicité est toujours en recherche de nouveaux talents. Si c’est difficile dans la data, il y arrive davantage pour les profils de développeurs. Et les démissions tendent à ralentir. Surtout, Marc de Torquat en est convaincu, « l’agence a beaucoup à apporter dans le mix de la créativité et du digital ». « Son territoire de jeu a changé, ajoute-t-il, mais notre époque fait de la communication un enjeu phénoménal, avec des marques et des dirigeants surexposés. On va d’autant moins couper dans les budgets qu’on peut mesurer tous ses relais ».
Les chantiers de l’AACC pour renforcer l’image des agences
Le 21 mars, la Journée agences ouvertes accueillera les étudiants qui veulent voir « comment ça marche une agence ». La plateforme Beyond Talent montre les métiers de la création, de la stratégie, de la data, du commercial et de la production, grâce à des podcasts métiers, masterclass, interviews, offres de stage, d'alternance ou d'emploi. Avec l’association Les Déterminés, le programme « IIN » vise à identifier des jeunes Franciliens à fort potentiel créatif, de 18 à 25 ans, inscrits à Pôle Emploi, et à développer au sein de l'agence leurs compétences pour un poste dans la conception-rédaction, la direction artistique, le motion design et le web design. Enfin, un site sur la diversité et l’inclusion crée par la commission RSE de l’AACC est lancé depuis le 1er mars.