Trois ans après le début du covid, le marché des RP confirme sa bonne santé. Si les fondamentaux du métier restent inchangés, les conditions dans lesquelles il s’exerce posent problème. Les agences doivent revoir leur stratégie de marque employeur pour séduire les jeunes et enrayer la pénurie de talents. Un article également disponible en version audio.
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Les années se suivent et se ressemblent pour les professionnels des RP. En 2021, l’étude annuelle du Syndicat du conseil en relations publics (SCRP) affichait une croissance à deux chiffres (+16 % en honoraires et +21 % en chiffre d'affaires) lui permettant de retrouver un volume d’activité comparable à celui d’avant covid. En 2022, les agences du SCRP - qui représentent 34 % du CA du marché (200 millions sur un total de 596 millions d'euros) et 27 % de ses salariés en France – ont transformé l’essai avec un chiffre d’affaires et des honoraires en croissance respective de 12,6 % et 13,2 %, conformes aux projections formulées un an plus tôt. Portées par la vague, elles affichent leur confiance pour 2023, avec des projections de croissance de 12,9 % du CA et la ferme intention d’embaucher pour 82 % d’entre elles.
Entre la convergence des métiers, l’extension des domaines de compétence par l’intégration de nouvelles expertises (influence, événementiel...), la multiplication des crises et la création d’outils de mesure d’impact des opérations de RP, les arguments ne manquent pas pour expliquer ces résultats. « Beaucoup d’entreprises ont été désorientées voire déstabilisées ces derniers temps par l’émergence de nouveaux enjeux et de nouveaux sujets (RSE, transition, environnement...), rappelle Thomas Marko, fondateur et directeur associé chez Thomas Marko & Associés. Elles demandent à être accompagnées dans leur communication avec leurs parties prenantes. »
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Les agences récoltent les fruits d’un positionnement d’expert de la relation avec (tous) les publics et (tous) les médias, plus en phase avec les attentes du moment. « Les marketeurs reviennent vers nous pour affiner leur stratégie de communication, leur plan média, leur stratégie d’influence…, explique Frédéric Henry, président-fondateur de FHCOM. Ils trouvent chez nous les compétences pour adresser avec précision et efficacité leurs publics. » Ils espèrent également y trouver les experts capables de les guider dans une sphère médiatique de plus en plus complexe, où les journalistes sont parfois aussi influenceurs sur un réseau social, où la publicité se fait plus informative. « Les frontières sont de plus en plus fines entre la rédaction et la publicité, confirme Marianne Felce-Dachez, cofondatrice de l’agence Léon. Certaines digues ont sauté. Des journalistes interviennent désormais dans la création de contenus sponsorisés de leur média. Certains annonceurs ne font plus de distinction entre les différents contenus. Ils sont très attachés au média en tant que marque et veulent simplement être dedans, quel que soit le format : article classique ou sponsorisé, intervention à un événement qu’il organise… »
Dans ce contexte, l’ADN « relations presse » permet aux agences RP d’asseoir leur légitimité auprès des dirigeants d’entreprises pour identifier et qualifier le(s) bon(s) levier(s), et parfois créer les bons contenus pour leur permettre d’émerger, de convaincre et d’engager. Une évolution, mais pas une révolution. « Sur les fondamentaux et les méthodes, il n’y a rien de nouveau, rappelle Stéphane Billiet, vice-président de We Change. Il nous faut simplement apprendre en vitesse accélérée à maîtriser de nouveaux canaux et de nouveaux formats. » Et Julien Monet, CEO de Monet & Associés, d’ajouter : « Nous faisons le même boulot que les cabinets de conseil. L’agence RP est devenue une valeur refuge pour les dirigeants qui préfèrent désormais couper dans les budgets de la pub et/ou du digital. »
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Nouveau chouchou des annonceurs, le métier de conseil en relations publics est également plébiscité par ceux qui l’exercent, comme le rappelle l’étude réalisée en mai 2022 par l’Ifop pour le SCRP dans laquelle 91 % des collaborateurs du secteur déclarent aimer leur métier, 8 6% en tirent de la fierté et 80 % se disent prêts à le recommander. Paradoxalement, le marché connaît depuis deux ou trois ans une crise de vocation que l’effet covid ne suffit pas à expliquer.
La vie trépidante de consultant disponible H24 ne fait plus rêver ! Pour inverser la tendance, les patrons d’agences ont employé les grands moyens. « Les collaborateurs, notamment les jeunes, aspirent à une meilleure qualité de vie. Ils veulent exercer un métier qu’ils aiment dans de bonnes conditions, explique Frédéric Henry. Il nous a fallu travailler sur les temps de déconnexion, assouplir les règles concernant les prises de congés, mettre en place des mesures incitatives pour que les salariés se sentent plus libres, sortir, se cultiver… Mais aussi former nos clients à ne pas les solliciter en dehors des horaires de travail. »
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Conscientes de la sensibilité RSE des candidats, les agences ont mis en place une série d’actions aboutissant, pour une quinzaine d’entre elles, à l’obtention du label RSE Agences Actives. « Nous avons mis en place un programme interne comprenant par exemple des commissions thématiques (jeunes, environnement, handicap, parents…). Nous avons lissé notre grille de salaire, dont le minimum est désormais de 2 500 euros brut par mois et mis en place un système de prime annuelle pour les parents de 1 000 euros par enfant », illustre Céline Angelini, présidente de Marie-Antoinette. Labélisée RSE Agences Actives, l’agence entend devenir cette année une société à mission.
Pour attirer et retenir les talents, les agences font feu de tout bois. Bien qu’ayant testé et validé l’efficacité des trois jours de télétravail par semaine, BCW France est allé plus loin. « Les collaborateurs installés en région peuvent cumuler les jours et venir au bureau une semaine sur quatre, explique Marc Chauchat, CEO de BCW France. Parallèlement, ils peuvent, s’ils le souhaitent, travailler une semaine dans un de nos bureaux à l’étranger et profiter du week-end sur place. » L’autre bonne idée de l’agence, également labellisée RSE Agences Actives, est la création en 2022 de la BCW Young Academy, un parcours de formation interne certifiant de deux ans. L’occasion pour l’agence de s’assurer d’un engagement minimum de ses jeunes collaborateurs, de les faire monter en compétences et de les garder suffisamment longtemps pour leur permettre d’apprécier l’agence et pourquoi pas y rester.