Fabricants de stands, réalisateurs de vidéos, éclairagistes, loueurs de matériel, traiteurs, free-lances… Les petites mains de l’événementiel font partie des acteurs parmi les plus touchés du secteur par la crise du covid. Avec une baisse d’activité de 70 % à 90 %, l’Union française des métiers de l’événement (Unimev) estime à près de 16 milliards d’euros les pertes pour l’ensemble des entreprises de l’événementiel. Parmi elles, les prestataires techniques, des TPE et PME dans leur très grande majorité, se retrouvent dans une situation économique catastrophique malgré les aides – tardives – de l’État. «Entre 30 % et 50 % de nos entreprises pourraient potentiellement disparaître», alertait Philippe Abergel, délégué général du Syndicat national des prestataires de l’audiovisuel scénique et événementiel (Synpase), en octobre 2020 dans Stratégies. Le syndicat regroupe 600 entreprises (soit un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros, 7000 salariés et 20000 intermittents), qui tirent leurs revenus à égalité de l’événementiel et du spectacle vivant.
Un constat dramatique
La situation était tellement préoccupante que le syndicat a organisé l’an dernier une opération « Alerte rouge » pour mettre en lumière « les professionnels de l’ombre au bord du gouffre ». « La filière n’a été aidée par l’État qu’à partir de novembre 2020, alors que nous étions collectivement au bord du gouffre, reprend en écho Fabrice Laborde, président de Crealians, la Fédération française des métiers de l’exposition et de l’événement, et vice-président de l’Unimev. Il a fallu faire œuvre de pédagogie et expliquer aux pouvoirs publics que l’événementiel, ce ne sont pas que les organisateurs de salons, qui ne représentent que 15 % du marché. » Face à ce constat dramatique, certains prestataires ont choisi – quand ils le pouvaient – d’opérer une transformation de leur activité. C’est le cas par exemple du groupe ByGalis, dont le métier historique est la conception et le design de stands. Alors que cette activité était totalement à l’arrêt, le groupe a investi un million d’euros pour se diversifier dans le numérique. Il a ainsi créé Virtual 388, une plateforme de virtualisation des événements qui offre la possibilité de générer des espaces exposition, conférences, ateliers, rendez-vous ou presse et permet à chaque participant de créer et personnaliser son avatar. Lors du Salon de la sous-traitance industrielle de Nouvelle-Aquitaine, entièrement digitalisé en 2020, la plateforme a reçu 500 000 visites et permis la création d’autant d’avatars. ByGalis a aussi investi dans la création d’un studio d’enregistrement vidéo.
Se diversifier
« Les métiers de la production vont également perdre une part de leur périmètre d’activité, mais ils vont pouvoir en transformer une partie en numérique », analyse Fabrice Laborde. Chez Novelty, par exemple, l’un des leaders français des prestations techniques audiovisuelles, le choix a aussi été d’accélérer sur le numérique : « Les technologies sont devenues beaucoup plus prégnantes du fait de l’émergence des événements digitaux », souligne son président, Jacques de La Guillonnière. La société a ainsi créé Le Plateau virtuel, un studio de production virtuel de 455 m2, doté d’une caméra équipée d’un système de tracking qui communique avec le logiciel 3D Unreal Engine. Les animateurs sont immergés dans des décors monumentaux, que l’on peut modifier instantanément, tout en réalisant les prises de vue en studio. « Au début de la crise, mi-2020, il y avait une forme d’attentisme et d’inertie du marché, rappelle le président de Novelty. Il a donc fallu faire preuve de pédagogie. Pour cela, nous avons organisé l’événement La Page blanche à destination des professionnels du secteur, pour montrer les possibilités des événements numériques. » Mais cette diversification ne compense pas la perte de recettes des activités traditionnelles (actuellement entre 30 et 50 % du CA normal), loin de là… Cette transformation des prestataires techniques a également une incidence directe sur les compétences recherchées. « Aujourd’hui, les recrutements concernent presque exclusivement des métiers qui n’existaient pas auparavant dans nos activités : scénariste, réalisateur vidéo, concepteur 3D, topeur… », explique Fabrice Laborde. Ce que confirme Jacques de La Guillonnière, qui a recruté des développeurs informatiques : « Nous utilisons des technologies issues du cinéma, nos métiers vont donc se rapprocher de ceux des studios de production. »
Des pertes importantes
Mais pour de nombreux autres prestataires techniques, « la transformation liée à la crise du covid sera plus sociale que numérique », avertit Fabrice Laborde en se basant sur le nombre de dépôts de bilan et de départs de personnels vers d’autres secteurs. À l’image des traiteurs de l’événementiel, qui n’ont pas la possibilité de digitaliser leur activité… Traiteurs de France, qui réunit les plus gros acteurs du secteur, a ainsi imaginé des solutions pour continuer malgré les contraintes sanitaires strictes : passe-plats, tapis roulants pour faire défiler les canapés devant les invités à distance du personnel… Ce réseau regroupant 37 PME réparties sur l’ensemble du territoire français a enregistré, à fin mai 2021, une perte de CA de plus de 216 millions d’euros depuis mars 2020, soit plus d’un an de CA perdu (87 % du chiffre d’affaires étant généré en B to B). Il reste que la crise peut aussi être une opportunité pour de nouveaux acteurs d’entrer sur ce marché de l’événement. À l’instar de ceux équipant les sites en caméras thermiques ou en dispositifs vidéo de comptage automatique facilitant le respect de la jauge maximale autorisée, et plus largement de toutes les prestations liées aux nouvelles contraintes sanitaires.