Supplément event
Afin de continuer à organiser des événements digitaux à distance, les agences ont dû développer des compétences pour produire des vidéos en direct. Quitte à entrer en concurrence avec les régies des chaînes de télévision, qui proposent elles aussi des offres événementielles digitales basées sur leur savoir-faire en live broadcast.

Remplacer l’émotion provoquée par la magie d’un lieu, d’une scénographie et d’une expérience physique dans un événement qui se tient à distance : c’est pour répondre à ce défi que la plupart des agences événementielles proposent depuis plusieurs mois des dispositifs faisant la part belle à la retransmission vidéo scénarisée. « Nos événements digitaux sont désormais conçus comme des émissions de télévision », résume Stéphane Abitbol, président du groupe S’cape, qui a intégré en avril dernier l’agence Chaïkana et son format Leaders Voice, qui accompagne les entreprises et les dirigeants dans leurs prises de parole à travers des dispositifs TV live. Cette bascule des agences de l’événement physique vers le live broadcasting a souvent été dictée par l’urgence de continuer à échanger pendant les confinements ou l’impossibilité de se réunir dans un même espace.

Des moyens techniques

Mais pour approcher les standards des broadcasters, les agences ont dû se doter de moyens technologiques importants. « Nous avons transformé le sous-sol de l’agence en studio d’enregistrement et noué un partenariat avec le prestataire Aucop pour nous équiper en matériel », explique Carla de Oliveira, directrice générale adjointe d’Hopscotch Event. De son côté, Win-Win a investi 1,4 million d’euros en 2021 et est en train de lever 5,5 millions d’euros, notamment pour accélérer son développement technologique. « Avec la crise, nous avons franchi une nouvelle étape du développement de l’agence, nous sommes devenus de véritables producteurs de contenu, en live en particulier », considère Édouard Auger, CEO d’Havas Event. Pour cela, l’agence a signé un partenariat stratégique avec Canal +, elle aussi dans le giron de Vivendi, pour utiliser les moyens techniques de la chaîne cryptée et bénéficier de son expertise technologique. Dans cette compétition, les plateformes numériques sont devenues des outils indispensables pour diffuser les événements digitaux des marques. « Les réseaux sociaux sont aujourd’hui une composante essentielle de l’événement en permettant la diffusion du live », reprend Édouard Auger. Désormais, tous les contenus produits lors d’un événement numérique peuvent être rediffusés tout au long de l’année sur ces canaux. « L’event, qui était auparavant plutôt dans l’éphémère, s’installe désormais dans la durée et participe à la mémoire digitale de l’entreprise, complète Christophe Cousin, le président de Win-Win. Nous sommes en train de devenir une espèce de Netflix B to B. »

Performance

Conséquence de la digitalisation et de la compétition avec les chaînes de télévision, l’événement ne peut plus vendre que de l’émotion : il doit aussi être efficace. « Avant la crise, on privilégiait la rencontre, la convivialité, le networking, le off… Aujourd’hui, nous devons nous inscrire dans une recherche d’efficacité et de performance », constate Stéphane Abitbol. « Nous sommes entrés dans l’ère de l’ultra-efficacité, abonde Christophe Cousin. KPI, datasource, dashboard, voire e-CRM et e-commerce… on ne parle plus que de ça. » Avec à la clé un accès à des données essentielles qui était jusqu’à présent interdit aux agences et dont elles comptent faire bon usage… à la sauce événementielle : « Plutôt que le ROI, nous préférons continuer à mesurer le ROE, le return on emotion, de nos clients », précise Édouard Auger. Quel que soit l’avenir des agences événementielles, elles vivent une révolution structurelle majeure. « Nous passons d’un statut d’artisans saltimbanques, qui commençait à toucher son plafond de verre, à celui d’industriels de l’émotion digitale sans vraiment de limite », estime Christophe Cousin. Mais cette évolution impacte aussi le business model. « Les agences n’ont pas encore trouvé le modèle économique pour faire des événements à distance viables », s’inquiète Stéphane Abitbol, qui rappelle que les revenus générés par un événement digital sont de trois à quatre fois inférieurs à ceux d’un événement physique. « Cela nous oblige à repenser l’intégration des compétences techniques et de production de contenu », ajoute Édouard Auger. Mais la réinvention perpétuelle n’est-elle pas le propre de la communication événementielle ?

Les chaînes de télé réagissent

Challengées sur leur terrain de la création et de la diffusion de contenus vidéo en direct, les chaînes de télévision se sont rapidement mobilisées pour occuper celui de l’événement digital B to B. TF1 a ainsi créé en juin 2020 TF1 Factory, une agence de production vidéo dédiée à la communication des entreprises, qui s’est alliée au groupe Barrière pour développer Corporate Broadcast. Cette offre leur propose des événements digitaux tournés dans l’un des dix hôtels et quatorze casinos du groupe Barrière avec l’appui d’une équipe de professionnels de l’audiovisuel [voir photo ci-dessus]. « L’intérêt pour nos clients respectifs est la mise à disposition de l’expertise broadcast du groupe TF1. Nous apportons la solution technique, l’accompagnement éditorial, le coaching et la mise à disposition de nos personnalités », indique Mari Guyot, directrice générale de TF1 Factory. De même, M6 Unlimited, le pôle dédié aux opérations sur mesure de la régie, propose depuis fin 2020 des prestations événementielles B to B en s’appuyant sur les compétences de Wild Buzz Agency (dont la chaîne est actionnaire depuis fin 2019) : « Nous mettons à disposition des entreprises, pour leur communication B to B, interne et RH, les mêmes ingrédients que ceux que nous proposons à nos partenaires en opération spéciale », indiquait Jérémy Valet, directeur de M6 Unlimited, à Stratégies en septembre 2020.

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