Flashback
Sur des marchés saturés, les marques cherchent la différenciation. On n’est plus dans l’euphorie, la publicité affronte un regard plus critique de la société.

En 1992, Jean-Marie Dru, cofondateur de l’agence BDDP (avec Jean-Claude Boulet, Marie-Catherine Dupuy et Jean-Pierre Petit), dépose la marque disruption. Dans son livre éponyme, publié en 1997 chez Village Global, il explique cette méthode de management des marques qui consiste à identifier les conventions de marché pour mieux les contredire avec des idées de rupture. Apple, qui ne se compare pas aux PC mais vante la liberté d’esprit (« Think Different »), la vodka Absolut, qui s’inscrit dans le monde de l’art et de la mode plutôt que celui des spiritueux, illustrent cette démarche correspondant à un nouveau contexte économique. La guerre du Golfe en 1990-91 a ouvert une période de récession et l’euphorie des années 80 laisse la place à une approche beaucoup plus critique de la consommation. « Le monde se remet en cause avec la guerre du Golfe. Les marques doivent changer aussi, elles cherchent à se différencier de la concurrence. Ce sont des années de reprise du pouvoir de l’annonceur sur l’agence », analyse Marc Drillech, ancien président de Public Dialog et actuel directeur général du groupe Ionis Education. Et de résumer la césure entre les décennies : « Les années 80 étaient les années CLM, les années 90 sont celles de BDDP. Après la spectacularisation de la promesse de marque, il faut sortir les annonceurs de la banalisation sur des marchés saturés. Et cela suppose de casser les codes. »

BDDP à son apogée

À ce titre, la publicité Apple « L’héritier » de CLM BBDO en 1989 apparaît à la charnière des périodes, en illustrant la rupture entre l’entrepreneuriat d’hier et les start-up de demain. Tournée par Claude Miller, elle montre un capitaine d’industrie faisant visiter ses usines à son fils en affirmant : « Un jour, tout sera à toi ». Mais on comprend que le jeune homme n’entend pas suivre les traces de son père. Fondée en 1984, BDDP trouve son apogée la décennie suivante. Elle contribue notamment à installer McDonald’s dans le paysage français, avec la signature « Ça se passe comme ça chez McDonald’s ». En 1993, un film montre une petite fille qui apprend à faire du vélo sans petites roues. Sa première destination une fois son autonomie acquise : l’enseigne au M jaune. Quant au P de BDDP, Jean-Pierre Petit, il rejoint la direction de la chaîne en 1995, signe de la réussite de la stratégie de communication française. Parmi les autres campagnes emblématiques de l’agence : Virgin Megastore, positionné comme un temple de la culture avec l’égérie XXL Anne Zamberlan; « Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous » pour SNCF; BMW et cette publicité en noir et blanc pour l’Airbag où un bébé s’écrase sur un sein maternel… En 2001, BDDP est devenue TBWA France, « the disruption company », mais la méthode a influencé toute la création française et mondiale.

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