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Déjà bien focalisées sur la RSE, les agences média doivent encore faire émerger un consensus de marché.

Les agences média entament leur révolution RSE. Havas Media s’est lancé il y a 18 mois dans une analyse de l’impact environnemental de ses activités et aussi, indirectement, de celles de ses clients. L’agence s’est associée à EcoAct pour mettre au point un calculateur d’émissions carbone des campagnes de diffusion. « Il a fallu procéder média par média, avec parfois des difficultés particulières, explique Laurent Broca, son PDG. Comme sur l’affichage où, du fait de la nature des marchés, nous avons passé des accords NDA [non-disclosure agreement] pour avoir accès à des données très confidentielles. » Ce n’est cependant qu’une partie du chemin. Havas Media souhaite notamment aller « vers plus de granularité », proposer des systèmes de compensation et une solution de plateformisation accessible aux clients : « Ils pourront accéder à un scoring de leur impact carbone, sur une campagne donnée ou sur l’ensemble de l’année, par exemple », ajoute Laurent Broca. Le dispositif devrait également être enrichi avec les autres dimensions de la RSE.

Publicis, pour sa part, dispose aussi d’un calculateur, ouvert aux clients depuis deux ans et fruit du partenariat entamé avec Veritas dans le cadre d’Alice, projet visant à maîtriser l’impact carbone des communications publicitaires. « Si le shooting est possible en France ou dans un pays accessible en train, cela évite l’avion qui peut représenter, avec le poste ­énergie, de 60 % à 80 % du bilan carbone d’une production », illustre Caroline Darmon, directrice RSE de Publicis Groupe.



Une « démarche militante »

De son côté, IPG Mediabrands a initié l’audit d’une quarantaine d’éditeurs avec un questionnaire basé sur ses « media responsibility principles », rendus publics en 2020. « Il est constitué de plusieurs centaines de questions centrées sur trois thèmes majeurs : l’utilisation éthique, responsable et mesurée de la data ; la promotion de valeurs qui assurent aux annonceurs un environnement de diffusion qui ne comporte aucune conversation hostile ou irresponsable ; et la lutte contre les fake news », explique Thomas Jamet, PDG du groupe. Avec ces données, disponibles en mars, il sera possible de construire un indicateur clé. « Cela permettra de prioriser ou de déprioriser tel média selon notre analyse, précise le dirigeant. C’est une démarche militante. » Si la publication d’un classement n’est pas prévue, IPG Mediabrands se réserve la possibilité de faire connaître « les progrès » qui seront constatés dans les médias.

Toutefois, bien que lancés dans des démarches séparées, nombre d’acteurs soutiennent l’émergence d’une démarche sectorielle. « Si chacun a sa propre calculette, personne ne s’y retrouvera, avance Thomas Jamet. Il faut que tous les acteurs se réunissent avec l’interprofession pour éviter les gadgets et aboutir à une harmonisation. » Une position partagée par Publicis Media, qui estime préférable d’aborder la question de l’empreinte carbone dans le cadre de la commission RSE de l’Udecam, afin d’établir un consensus de l’ensemble des acteurs du secteur.



Diffuser de nouvelles pratiques

Ce qui n’empêche pas, par ailleurs, les initiatives pour faire évoluer les pratiques. Publicis Media a ainsi lancé en juillet 2020 le Positive Media Project, qui a été rejoint par onze annonceurs et seize médias ou partenaires technologiques. Parmi ses propositions figure une nouvelle façon de fabriquer des vidéos en ligne. « Ce dispositif de VOL [video online] low carbone agit sur quatre leviers, explique Laurent Capion, responsable de la stratégie de Starcom France (Publicis Media) : la qualité de l’image, le son, le type de connexion – la 4G étant plus consommatrice que le wifi – et les moments de la journée, car certains sont plus consommateurs de carbone que d’autres. » Publicis Media est accompagné par Impact+, un spécialiste de la mesure des bilans carbone, et assure que cinq annonceurs et six médias sont prêts à tester cette VOL low carbone pour établir une comparaison avec la VOL classique et vérifier la qualité des indicateurs publicitaires.

Si, comme attendu, un nombre croissant d’entreprises donne corps à des politiques RSE plus concrètes, c’est tout un nouveau marché du conseil qui s’ouvrira, dépassant le cadre des enjeux directement traités par les agences média. Un marché sur lequel Publicis a déjà pris ses marques. « Nous avons lancé les Make it Positive Labs pour aider les clients à passer de l’élaboration de leur raison d’être à un plan d’engagement puis des actions, explique Valérie Hénaff, directrice stratégie et engagement de Publicis Groupe. Nous nous sommes associés à deux structures : MySesame, qui nous accompagne dans la formation des salariés de nos clients à la raison d’être ; et We Demain, un média qui pratique un journalisme prospectif et de solutions. » Des partenariats d’autant plus utiles que la concurrence sera rude.

2021, année de l’accélération ?

À l’Union des marques (UDM), le directeur général Jean-Luc Chetrit veut étendre le champ de la RSE : « Il y a une nouvelle étape à franchir : il faut voir comment dans les processus créatifs les agences peuvent intégrer les comportements écoresponsables. » La marche est-elle trop haute ? Jean-Luc Chetrit y voit surtout une question d’approche : « Ces sujets sont trop souvent abordés comme des contraintes. » Pour favoriser l’émergence d’une réelle culture RSE dans les pôles création des agences, il mise sur la conviction : « Il faut engager un travail pédagogique auprès des créatifs, mais aussi des patrons des agences et des comex. Si ce sujet devient un moyen de recréer de la confiance entre marques et agences, on aura gagné. Ce n’est pas si compliqué. Il n’y a pas d’autre obstacle que la volonté de le faire. »

D’ailleurs, 2021 sera l’année de l’accélération, le dirigeant de l’UDM en est convaincu. « Nous visons un doublement du nombre de marques signataires du programme FAIRe. Ce sera aussi une année durant laquelle les marques vont mieux intégrer la dimension environnementale dans leur RSE, poursuit-il. Cette accélération est nécessaire, car la crise a accentué les attentes des Français. Pour construire des marques durables, il faut répondre à ces attentes. »

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