Quel a été l'impact du Covid sur le secteur des relations publics ? « En 2020, les agences de RP s’en sortent mieux voire beaucoup mieux que le marché de la communication en général, mais cela masque une disparité selon les secteurs et les métiers », entame Pascale Azria, présidente du Syndicat du conseil en relations publics (SCRP), qui représente une cinquantaine d’agences de toutes tailles. Selon la dirigeante, interviewée par Stratégies alors que les chiffres pour 2020 étaient encore en cours de remontée, les acteurs du marché devraient enregistrer pour l’année une baisse de leurs revenus de 10 % à 15 % en moyenne, « mais peut-être qu’on arrivera à quelque chose de flat ». C’est mieux que le reste du secteur : selon l’Irep, Kantar et France Pub, le marché publicitaire des cinq médias (télévision, cinéma, radio, presse et publicité extérieure) était en recul de 22,2 % sur la période allant de janvier à septembre 2020. C'est mieux aussi, selon le SCRP, que les acteurs des RP sur d’autres marchés, aux États-Unis ou en Europe. « On n’a jamais autant travaillé qu’en 2020 », lâche Frédéric Henry, président de FHCom, agence de relations médias et influenceurs, qui a vu croître sa marge brute l'an dernier.
Plusieurs facteurs expliquent cette moindre baisse. Selon les agences, le fait de proposer en interne plusieurs métiers ou expertises, comme c’est souvent le cas, permet de limiter la casse et d’équilibrer les comptes. Ensuite, celles qui accompagnent des clients dans des univers accélérés par la crise, en premier lieu le digital, mais aussi les produits de grande consommation, la tech ou la santé, en ont tiré parti. « Notre métier, c’est le lien. La relation est au cœur de tout. La question est de reconnecter les marques avec leurs publics. C’est une opportunité. D’où la résilience », observe Marc Chauchat, directeur général de l’agence de communication et relations publics BCW France (WPP), qui a limité la baisse de son chiffre d’affaires à -10 %.
« La fin des RP à papa »
Au-delà des facteurs liés au positionnement des agences, les résultats observés en 2020 ont aussi d’autres explications. Les besoins des clients ont changé. « L’année a marqué le développement de la communication de marque, corporate et de crise. Cela a été plus compliqué pour la communication événementielle et pour ceux qui gèrent des salons. Les métiers de la mode et de la communication produit ont souffert », relève Pascale Azria. Voilà pourquoi, si certains budgets d’annonceurs ont été coupés, les agences - dont plusieurs témoignent, par ailleurs, avoir été amenées à décaler des paiements d’honoraires pour « soutenir » leurs clients - n’ont pas eu autant à déplorer de pertes que dans la publicité, par exemple.
Activée dès mars, la communication de crise visait aussi bien l’interne que l’externe. Il a fallu à la fois rassurer les collaborateurs et guider les clients, les informer sur les services restant accessibles ou non, les modifications d’horaires, les nouvelles procédures. Puis la communication corporate a pris le pas : on se souvient des marques promptes à partager des solutions pour mieux vivre le confinement, occuper les enfants, suggérer des idées de recettes, faire du sport à la maison... C’est, entre autres, ce qu’avait fait Mattel en mettant à disposition des plateaux de jeux de société à imprimer, afin de les rendre accessibles à tous. « Mattel est plutôt orienté sur les marques produits. C’était l’une des premières communications un peu corporate du groupe », assure Julien Monet, président de l’agence de relations publics Monet + Associés, qui a enregistré +12 % de croissance organique cette année, marquée par ailleurs par le rachat de deux sociétés. « C’est la fin des RP à papa : même quand on parle de produits, on doit le faire en parlant de l’entreprise, expose Thibault Peulen, directeur général de l’agence de relations publics Cap & Cime, qui a enregistré en 2020 une baisse de sa marge brute de 8 % à 10 %. Il y a aussi une demande de confiance, qui se construit par un discours de vérité, pédagogique, pour aller contre les crises réputationnelles ».
Utilité et raison d'être sur toutes les lèvres
Les marques se sont également interrogées sur leur façon d’être utiles au collectif, entamant pour la première fois une réflexion aussi profonde sur leurs valeurs. Les mots d’utilité, d’engagement, de mission sont sur toutes les lèvres depuis. Certaines agences ont rebondi sur cette tendance avec des offres dédiées, comme Moving Brands chez BCW France, autour de la raison d’être et des territoires d’engagement. « Nous avons eu davantage de questions sur le why, nous sommes montés plus souvent sur des questions stratégiques », atteste de son côté Cécile Granat, codirigeante de Hopscotch PR, entité concentrant l’expertise RP du groupe de communication Hopscotch, dont l’activité, du moins pour la partie Conseil, est restée stable entre 2019 et 2020.
Salariés ambassadeurs
Le Covid a réhabilité le corporate et le rôle des marques s’est affirmé durant la période. En parallèle, les clients se sont recentrés sur l’interne avec des stratégies de salariés ambassadeurs. « Nous avons noté le développement de Linkedin », confie Céline Angelini, présidente fondatrice de Marie-Antoinette, agence de communication notamment spécialisée dans les relations publics, dont le chiffre d’affaires s’est maintenu entre 2019 et 2020. L’agence a formalisé une offre dédiée. « Nous avons accompagné une dizaine de dirigeants en 2020 et on continue en 2021 », illustre celle qui, sur le sujet, travaille avec Les Prés Rient Bio (qui commercialise la marque Les 2 Vaches) ou Biocoop.
Autre volet en développement, les affaires publiques. « Les acteurs souhaitaient être accompagnés sur le plan du conseil stratégique pour influer sur les décisions politiques, les arbitrages », relate Thomas Marko, directeur associé et fondateur de Thomas Marko & Associés. Cette agence de communication et relations publics a perdu 30 % de son CA en 2020, essentiellement à cause de l’arrêt de l’événementiel, mais sa marge brute a été moins affectée. Parmi les acteurs accompagnés, Val’hor, interprofession de l’horticulture, client depuis novembre 2020, que l'agence a accompagné à l’Élysée défendre auprès d’Emmanuel Macron les intérêts de la filière malmenée par les confinements.
« Besoin de rationnel »
L’influence, sur laquelle les agences de RP affirment leur positionnement aux côtés des agences digitales, a également affiché un dynamisme en 2020. « Lors du deuxième confinement, le marché et les prix ont explosé, les influenceurs étaient sur-demandés. Les marques se sont tournées vers eux pour se rapprocher des gens », développe Jean-Baptiste Quesnay, président cofondateur de Trends Paris, agence de relations publics et conseil en marques. Plus largement, les agences ont également mis en place des stratégies de contenus - en recourant, le cas échéant, à des influenceurs - via les blogs, les sites web et les réseaux sociaux des annonceurs. « Faute de salons, nous avons conseillé à nos clients industriels de passer par la presse », complète Caroline Prince, directrice de l’agence de RP Yucatan, dont la croissance a légèrement baissé l'année dernière (-3%) par rapport à 2019.
Sur le volet interne, le recours au chômage partiel et aux aides de l’État a été limité chez les agences interrogées. Le chômage partiel a été réservé tantôt aux collaborateurs spécialisés sur les secteurs d’activité en souffrance, tantôt aux juniors, mais n'a jamais, semble-t-il, été total ni durable, comme dans l’événementiel. 2021 s’annonce plutôt positivement pour le secteur des RP, même si la prudence est de mise. La deuxième partie de 2020, et surtout le dernier trimestre, a été très dynamique en termes d’appels d’offres et de sollicitations, même si certains n’ont été que le fruit d’un décalage. Reste les incertitudes pour les événements et un certain épuisement tant côté entreprises que côté consommateurs. Les agences auront sans doute fort à faire pour insuffler de l’optimisme dans les mois qui viennent.