L’attente, dans les deux camps, a été très fébrile, les scores longtemps serrés, l’incertitude largement de mise. Samedi 7 novembre - soit pas moins de quatre jours après le scrutin -, Joe Biden a été élu président des États-Unis, à la suite de Donald Trump.
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Si la bataille juridique et judiciaire, côté républicain, ne fait que commencer, et si des semaines de contestation sont à prévoir, c’est un résultat qui fait pousser un certain soupir de soulagement dans l’univers de la communication, dans un contexte où le Covid reste toutefois le facteur essentiel, crucial, de nature à peser sur l’avenir.
«Si Joe Biden est élu, son style de leadership inclusif aura, je l'espère, un impact positif sur la reprise économique et la confiance des Américains», déclare Heather Kernahan, dirigeante pour la région Amérique du Nord de Hotwire, agence de communication et relations publics, basée en Californie. À condition toutefois que le nouveau président agisse vite, en particulier sur le front sanitaire.
«Il utilise un vocabulaire unificateur - dit ‘’nous’’ plutôt que ‘’je’’ ou ‘’ils’’. Son langage et ses actions se concentreront sur la désescalade des tensions. Je peux imaginer beaucoup plus de discours d’espoir et de rétablissement sous sa présidence», ajoute-t-elle.
Un environnement plus serein
«C’est quelque chose de penser que "America is the greatest" dans tous ses fondamentaux et de n’avoir aucune imagination que d’autres pays puissent apporter de la richesse», explique Sylvia Vitale Rotta, présidente et cofondatrice de l’agence de design Team Créatif Groupe, implantée à Charlotte, en Caroline du Nord.
Pour elle, cet esprit-là pourrait être moins présent, compte tenu du candidat qui a remporté l’élection. «Il y a sept ans, nous avons été très bien accueillis. Le Made in France, la French Touch, notre expertise alimentaire, sur le bien-être, le mieux-manger, étaient très respectés», se souvient-elle.
«Chez nous, on parle du capital relationnel, expose, quant à lui, Gerland van Ackere, directeur de Sopexa USA, agence de communication du groupe Hopscotch spécialisée dans l’alimentaire et la boisson. À quoi ressemblera-t-il sous Biden ou Trump ? Je pense que la différence se situe au niveau de la nature des messages. Avec Biden, ce sera peut-être un retour à la normale, un environnement plus serein».
Des secteurs favorisés
Dans ce climat général, tous les annonceurs ne seront peut-être pas concernés de la même manière. «Si c’est Biden qui passe, plus d’aides seront allouées à court terme. Cela provoquera peut-être un regain de confiance des annonceurs pour relancer certains budgets de communication car certains consommateurs auront eu des revenus complémentaires, note Benjamin Naïm, associé et dirigeant du bureau américain de l’agence de communication Insign, à Los Angeles. Mais c’est un impact faible. Sur le moyen/long terme, la différence sera sectorielle. Des secteurs pourront bénéficier de l’élection de Biden : énergies renouvelables, healthcare, éducation».
Les entreprises qui exportent pourraient aussi voir la différence. «Avant le Covid, de grosses questions se posaient sur les tarifs [douaniers] de 25 % sur les vins. Ces tarifs ont provoqué une chute des ventes des produits français sur le marché américain. C’est l’un des leviers de négociation que Trump a employés et cela a fait du mal à l’industrie, complète Gerland van Ackere. Si Biden est élu, on s’attend à une réouverture des négociations politiques au niveau des tarifs. C’est une opportunité de business pour refaire de la communication sur les produits qui peuvent être exportés».
«Les marques internationales seraient probablement plus optimistes quant à l'entrée ou à la croissance aux États-Unis sous la présidence de Biden, car il se concentre sur la reprise et la résolution des plus grands problèmes auxquels les États-Unis et le monde sont confrontés», note Heather Kernahan.
«Ampleur idéologique»
L’arrivée de Joe Biden pourrait, enfin, se faire sentir au niveau des discours de marque. Elle s’inscrit, en effet, dans un mouvement de fond, pleinement déployé au moment du mouvement Black Lives Matter. «Beaucoup de marques ont dépensé beaucoup d’argent plutôt en amont de l’élection pour encourager le vote», rappelle Benjamin Naïm, qui met ce phénomène en lien avec le «besoin de justice sociale». «Les marques ont la volonté de s’engager autour de causes et l’engagement sociétal sera en réaction à une actualité. Le vote est une actualité», indique-t-il.
Ce mouvement, qu’un facteur comme une élection ne changera pas pourrait toutefois s’exprimer différemment. «À cause de l’absence de dialogue chez Trump, on a vu des marques comme Walmart ou Starbucks prendre de l’ampleur au niveau idéologique, par exemple pour promouvoir le port du masque. Elles se sont éloignées des créas traditionnelles. Uber a fait toute sa campagne sur l’anti-racisme pendant Black Lives Matter», dépeint Gerland van Ackere. Et d’imaginer : «si Biden passe, les marques se comporteront davantage comme des marques, avec plus de créativité, d’humour, en lien avec les produits et leur valeur ajoutée».
En parallèle de leur engagement pour de grandes causes. Autre différence : Biden pourrait «ouvrir beaucoup plus la noblesse du RSE : le sociétal, la planète, l’environnement, le mieux-manger..., rapporte Sylvia Vitale Rotta. De très belles marques vont faire le process que font les marques en Europe. Les Américains vont mettre plus d’enthousiasme et de volonté pour régler les problèmes, comme le racisme. Biden va renouer avec cette nouvelle opportunité». Le nouveau président aura toutefois tout à prouver, avec comme première priorité la gestion de la crise sanitaire.
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