À toute chose malheur est bon, dit-on : en renvoyant les freelances seuls face à leur précarité, la crise sanitaire aura contribué à faire avancer leur cause. Directeur logistique ou de production, directeur technique, régisseur, scénographe, topeur, traducteur, technicien… ces hommes et femmes de l’ombre, qui sont autant de maillons essentiels de la chaîne de production événementielle, ont été livrés à eux-mêmes depuis le mois de mars, le plus souvent sans bénéficier de la moindre aide de l’État. Et pour cause : cette population, qui représenterait près de 90 % des effectifs du secteur, couvre pas moins de 128 métiers différents dispersés dans une trentaine de codes APE (activité principale exercée) et une très (trop) grande variété de statuts. Lesquels vont désormais de la micro entreprise – le plus courant mais aussi le plus précaire des statuts, adopté par 50 % des personnes interrogées – au CDDU en passant par la SARL ou l’intermittence qui, avec 20 % des personnes interrogées, n’est donc plus le statut dominant du secteur. C’est ce que révèle un sondage en ligne réalisé auprès de 900 indépendants expérimentés du secteur (50 % ont plus de quinze ans d’expérience) par Freelances de l’événementiel, une association créée pendant le confinement. « 95 % des sondés trouvaient pertinent la création d’une association, ajoute Yvette Ayivi, directrice de projet indépendante et coprésidente de l’association. Si nous avons eu la chance d’avoir autour de nous des acteurs – Lévénement, l’Unimev, le Synpase – pour faire valoir la filière auprès des pouvoirs publics, les freelances du secteur n’étaient pas identifiés et pas représentés. Ils n’avaient pas de voix officielle pour se faire entendre tant auprès des institutions que de leurs partenaires ou clients. »
Valoriser le statut
Plus adeptes de la coexistence pacifique que du combat, les free ont privilégié l’association au syndicat : « Nous n’avons pas de revendication, explique Jean Poyeton, directeur de production événementielle et trésorier de l’association. Nous voulons simplement insuffler des bonnes pratiques et être traités normalement, comme le prévoit la loi. » Par exemple, en étant payés quand l’événement est annulé dix jours avant la date ou en étant payés pour le nombre d’heures réellement effectuées : « Nos fiches de paie affichent toujours sept heures quotidiennes quand tout le monde sait qu’une journée classique est plus proche des 20 heures, rappelle Yvette Ayivi. Nous ne contestons pas ce rythme inhérent à l’événementiel, nous voulons être payés pour ce que nous faisons. » Pour y parvenir, l’association entend se rapprocher des autres instances du secteur pour coconstruire une charte mais aussi pour travailler sur la simplification des statuts. Elle a également édité des fiches métiers et souhaite se rapprocher des écoles… Objectif : expliquer qui fait quoi pour mieux se comprendre, valoriser le(s) statut(s) de freelance et, à terme, ne plus avoir besoin de se défendre…