« Nous avons été les premiers à nous arrêter et nous aurons été les derniers à repartir. » Benoît Ramozzi est le délégué général de Lévénement, l’association qui rassemble près de
70 agences de communication événementielle. En première ligne après l’arrivée de la pandémie en France, il résume bien le dépit qui caractérise la profession en cette année 2020 si particulière. Avant même le confinement, l’interdiction, prise le 29 février, de tout rassemblement de plus de 5 000 personnes a sonné le glas de tous les grands événements printaniers. « Notre premier combat a été sur le terrain de la communication, pour faire émerger la filière. Il n’y a pas que les agences, il y a les prestataires, les lieux, les traiteurs, les freelances… On a mis en lumière cet écosystème qui embarque 335 000 emplois en multipliant les interviews dans les médias », raconte Benoît Ramozzi. Quand, le 12 mars, lors de sa première allocution, Emmanuel Macron évoque le secteur de « l’événementiel » parmi ceux qui « souffrent », la filière marque un point. « C’était la première fois qu’un président de la République lâchait ce mot, cela nous a rassurés. Mais après, il a fallu rentrer dans le dur… », se souvient Benoît Ramozzi. En lien avec cinq autres organisations professionnelles (Coésio, Créalians, Synpase, Traiteurs de France et Unimev), Lévénement a multiplié alors les rendez-vous avec les pouvoirs publics pour élaborer un plan destiné à sauver la filière, recevant notamment dans ses locaux le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire pour le sensibiliser à « l’urgence ».
Des dispositifs pour apporter de l'air
La principale mesure, qui a permis notamment aux agences « de ne pas user toutes leurs forces », selon Benoît Ramozzi, concerne le dispositif de prise en charge du chômage partiel. Dès le mois de mars, ce volet a été activé pour l’événementiel, comme pour les autres filières à l’arrêt. Il permet à un employeur de se voir rembourser intégralement par l’État les sommes versées à des salariés se retrouvant sans activité. L’indemnité versée au salarié correspond à 70 % du salaire brut, soit 84 % du salaire net, et elle est plafonnée à 4,5 fois le Smic. En septembre, le secteur a obtenu, comme les filières du tourisme, du sport, de l’hôtellerie, de la restauration, de la culture, du transport aérien, et toutes les entreprises des secteurs connexes ayant subi une très forte baisse du secteur d’activité, de voir prolonger ce système dérogatoire au régime commun jusqu’à l’été 2021. D’autres dispositifs ont apporté de l’air à l’événementiel. C’est le cas du fonds de solidarité. Celui-ci est accessible jusqu’à la fin de l’année 2020 aux entreprises de l’événementiel comptant jusqu’à 20 salariés et réalisant jusqu’à 2 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les aides peuvent aller jusqu’à 10 000 euros, sans condition de refus d’un prêt bancaire. Les TPE (moins de 10 salariés) et les PME (moins de 250 salariés) du secteur ont pu aussi bénéficier d’une exonération des cotisations patronales acquittées ou reportées durant les mois de mars à septembre 2020. Une aide au paiement- des cotisations et contributions sociales égale à 20 % de la masse salariale bénéficiant de l’exonération est mise en place. Enfin, les entreprises du secteur de l’événement peuvent bénéficier des garanties mises en place par l’État pour soutenir le financement bancaire à hauteur de 300 milliards d’euros. Ce dispositif de prêts garantis par l’État (PGE) est en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020. Pour une entreprise, ce prêt peut représenter jusqu’à trois mois de chiffre d’affaires 2019.
Globalement, ces mesures d’urgence semblent avoir été efficaces et la profession les a accueillies avec satisfaction. « La possibilité d’obtenir très facilement des prêts a permis de donner aux acteurs de la trésorerie pour patienter, cela a eu un effet de sauvegarde immédiate », indique Benoît Ramozzi. « L’accompagnement des services de l’État a été exemplaire », témoigne ce patron d’agence administrateur de Lévénement dont la structure a ainsi pu emprunter 800 000 euros, via un PGE, « en moins de trois semaines ».
Accompagner le secteur
Mais la question se pose aussi d’un accompagnement d’un secteur qui pourrait bien continuer à souffrir si la reprise ne se fait pas sentir. « Il faut que nous soyons entendus dans la durée », plaide-t-on à l’association. La situation de la filière est notamment problématique pour les prestataires techniques. Si certaines agences ont pu rebondir avec l’organisation d’événements virtuels, les spécialistes de la sonorisation, de l’éclairage, de la vidéo ou des décors sont dépendants à 100 % de la reprise du live. Philippe Abergel, délégué général du Syndicat national des prestataires de l’audiovisuel scénique et événementiel (Synpase), alerte sur la situation de sa filière, qui tire ses revenus à égalité des clients de l’événementiel et de ceux du spectacle vivant. Elle représente 600 entreprises en France pour un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros et quelque 10 000 salariés. « Entre 30 % et 50 % de nos entreprises pourraient potentiellement disparaître malgré les aides de l’État », estime-t-il. Cette filière se distingue en effet par des lignes d’investissements très élevées, ce qui pose des problèmes de remboursement pour nombre d’entreprises. Dans ce secteur, 70 % d’entre elles comptent moins de 10 salariés. Jusqu’à présent, elles ont obtenu des banques le report de six mois des échéances. « Mais que va-t-il se passer si le chômage partiel devient plus coûteux et si à partir de début octobre il faut reprendre les remboursements ? », s’interroge Philippe Abergel, en plaidant pour un nouveau report de six mois concernant les échéances d’emprunt.