Le début de la crise a été marqué par un fait d’armes unanimement salué par la profession : le fait que le président de la République a évoqué l’importance de la filière événementielle dans ses deux premières allocutions. Comment en êtes-vous arrivé là ?
Bien avant le confinement, nous observions la situation en Chine, puis lorsqu’il a été décidé d’annuler les derniers jours du Carnaval de Nice [le 26 février], nous avons senti que les choses allaient très mal tourner. J’ai réuni le conseil d’administration de Lévénement, durant lequel nous nous sommes accordés sur la nécessité d’agir et de prendre la parole au plus vite, avant que toute l’économie soit mise à l’arrêt, pour être audibles et faire savoir la gravité de notre situation. Par chance, nous disposions de datas récentes issues d’une étude EY de novembre 2019 – 335 000 emplois, 1 000 événements par jour, 32 milliards d’euros de retombées… – permettant d’illustrer le poids de notre filière. S’en est suivi un road-show médiatique puis un rendez-vous avec un conseiller de Bruno Le Maire à Bercy.
Par chance et de manière imprévue, ce dernier est entré dans la salle et s’est assis pour discuter. La veille de l’annonce du confinement, nous avons été avertis que notre cause avait été entendue. Notre seule crainte est arrivée en fin de confinement avec la reprise de manifestations faisant du rassemblement un mot un peu tabou… D’où notre lettre ouverte au Premier ministre.
Sept mois après le début de la crise du Covid, où en sont les professionnels de l’événementiel ?
Le dernier trimestre 2020 ne permettra pas de compenser les pertes enregistrées sur les six mois précédents. C’est donc au premier semestre 2021 que se jouera l’avenir des agences, bien plus que sur la fin de l’année en cours.
Pour l’heure, il faut distinguer les différents acteurs de la filière. Les prestataires de l’événement ont été et sont toujours profondément impactés par cette crise. Les agences ont vu leur activité s’arrêter brutalement début mars mais elles tiennent le coup grâce aux mesures mises en place par le gouvernement, notamment le dispositif de chômage partiel maintenu jusqu’à la fin de l’année. Comme dans d’autres secteurs, toutes les embauches ont été figées, les CDD ou les périodes d’essai n’ont pas été renouvelés… Les structures qui ont développé des activités connexes, comme le digital, ont pu limiter les dégâts, mais l’inquiétude est palpable : la majorité de celles que nous avons interrogées pensent que 30 % de la masse salariale du secteur risque d’être affectée et craignent qu’entre 15 % et 20 % d’entre elles ferment durant le premier trimestre 2021.
Comment vivez-vous les revirements réguliers des pouvoirs publics ?
Avant l’annonce de Jean Castex, le 26 août, interdisant les événements regroupant plus de 5 000 personnes dans les régions placées en zone rouge, nous travaillions à la recherche de solutions alternatives, notamment le fait de pouvoir organiser des événements de plus de 5 000 personnes en simultané dès lors qu’elles sont réparties entre différents espaces. Des discussions avec les pouvoirs publics étaient engagées, et si à l’heure où nous parlons le sujet n’est plus d’actualité, cela peut encore changer ! Le contexte est inédit, nous naviguons vraiment à vue.
Au-delà des dispositions réglementaires, la relance repose aussi sur la reprise d’une activité normale du côté des annonceurs, ce qui n’est pas encore le cas… Pour l’heure, on sent beaucoup d’envie de la part de nos clients, mais la quasi-totalité des appels d’offres concernent des événements sur 2021. Il faut dire que la persistance d’un risque sanitaire auquel est venu s’ajouter celui de crise économique ne facilite pas le passage à l’acte ! De plus, il faut comprendre que la situation est encore compliquée dans un grand nombre d’entreprises dont une partie des collaborateurs est encore en télétravail ou en chômage partiel. Le premier challenge est déjà de les faire revenir physiquement dans les bureaux ! Cela étant, le fait qu’ils se posent et qu’ils nous posent beaucoup de questions est encourageant. J’y vois une vraie opportunité pour nous de jouer ce rôle de conseil que nous revendiquons depuis longtemps, sans toujours être entendus. La crise que nous traversons depuis quelques mois, parce qu’elle est sanitaire et économique, re-questionne notre métier, de sa raison d’être au format, en passant par le budget.
Des formats d’événements vont-ils disparaître ?
Certaines typologies d’événements d’agrément vont peut-être disparaître, mais je dirais plutôt que tous les formats vont devoir évoluer pour intégrer les nouvelles contraintes. Nous revoyons déjà des road-show, des salons, des conventions…, leur survie n’est pas spécifiquement liée au Covid. De la même manière que les événements d’entreprises étaient sans doute plus sûrs que la voie publique au lendemain des attentats, il est peu probable qu’un salon, une foire ou un congrès devienne un nouveau foyer de contamination (du fait de l’application des mesures du référentiel). C’est tout l’intérêt de faire appel à des professionnels de l’organisation qui, je le rappelle, n’étaient pas à la manœuvre lors des rassemblements religieux par lesquels tout a commencé.
Les instances représentatives du secteur ont édité un référentiel sanitaire, qui propose une batterie de règles a priori indispensables. Ne risque-t-il pas de dénaturer l’événement ou d’en rendre l’organisation trop compliquée pour être rentable ?
Ce référentiel, adossé aux conditions exigées par les pouvoirs publics, est un cadre qui pose des règles applicables dans un contexte en constante évolution. Il ne s’agit pas d’une check-list exhaustive des gestes à effectuer impérativement sur chaque manifestation, mais d’une liste des pratiques à utiliser ou pas en fonction de la situation. À l’heure où nous parlons, certaines d’entre elles ne sont peut-être déjà plus de mise, tout dépend du contexte et du public concerné. C’est exactement ce que nous avons vécu lorsqu’il a fallu intégrer les nouvelles règles de sécurité après les attentats. Avec le temps, certains événements ont pu alléger leur dispositif, d’autres pas, ou moins, sans pour autant remettre en danger leurs participants. Aucun organisateur, aucun donneur d’ordre n’a envie de prendre des risques en réunissant 5 00 personnes.