C’est une caractéristique du marché de la production publicitaire qui n’est pas née avec la crise, loin de là. Le fait que certains annonceurs viennent frapper directement à la porte des maisons de production pour leur proposer une collaboration en ne faisant pas appel à une agence de communication. C'est une façon de fonctionner qui a été amorcée par les annonceurs du luxe puis étendue à d’autres secteurs d’activité. Une tendance, pas une norme. « J’aime ce trio client/agence/producteur. C’est une chaîne bénéfique car à chaque niveau, on peut se challenger. Si tout est internalisé, on va perdre en qualité », remarque Hugo Legrand-Nathan, dirigeant de Birth.
« Idée créative »
Dans ce schéma, chaque partie prenante joue son rôle. Les agences apportent la vision stratégique et le travail de pédagogie à l’égard des annonceurs ; les producteurs, la maîtrise des contenus et le talent de leurs réalisateurs.
Reste que cette configuration particulière conduit les maisons de production à s’adapter. Certaines créent des structures dédiées, comme La Pac, avec Very Content. D’autres encore avaient intégré cela dans leur modèle et sont en relation directe avec les annonceurs depuis leur création.
Des adaptations au niveau du discours sont nécessaires. Car parler à une marque ou à une agence n’implique pas la même approche, même si les annonceurs ont eu tendance à se structurer en interne avec l’apparition de studios de création. Ce sont des attentes, des livrables et des agendas différents. « La chose qui est importante pour travailler avec les annonceurs en direct est l’idée. Ils font confiance sur le reste », explique Raphael Kenzey, fondateur de Raise Up, qui collabore en direct avec les marques qui viennent le voir tout en travaillant aussi de façon privilégiée avec les agences. « Une marque attend une solution complète, une idée créative au sein de la production », renchérit Pierre Cazenave-Kaufman, fondateur de Soldats.
Il y a fort à parier que la crise du coronavirus ne bouleverse pas cette tendance inscrite de longue date dans les usages. Si elle crée un sentiment d’urgence, un besoin de désintermédiation pour aller plus vite, le mouvement pourrait éventuellement se voir conforté. C’est le pari, par exemple, de la plateforme Master The Monster, lancée en 2019 pour mettre en relation annonceurs et sociétés de production pour la réalisation de contenus vidéo (voir Stratégies n° 2036). Par ailleurs, la crise est favorable à la digitalisation. Or le digital, notamment via les réseaux sociaux, peut être un terrain d’expérimentation, permettant d’attirer l’œil des annonceurs sur certaines initiatives créatives.