Le lieu, comme n’importe quel produit, a un cycle de vie. Il commence par une phase euphorique d’un à deux ans, durant laquelle le carnet de commandes est plein. Puis vient la phase de croisière où - sauf bug technique, commercial ou serviciel - il reste une bonne adresse et enchaîne les manifestations à un rythme déclinant doucement, conduisant, si rien n’est fait, à une phase de déclin. Mais il existe aussi des lieux qui échappent à la règle et semblent traverser le temps. D’abord ceux que leur localisation unique rend incontournables, leur garantissant un succès durable et quasi intemporel. Puis il y a ceux dont les organisateurs ne se lassent pas, même s'ils ne sont pas les plus récents ou les mieux équipés.
Le mix gagnant
Pour Antoine de Tavernost, directeur général de Live! By GL Events, «le succès d’un lieu repose d’abord sur un mix entre son “look & feel”, sa situation géographique et sa praticité d’exploitation. C’est par exemple la recette du Dernier Étage, du côté de la place de Clichy.» Inauguré en juin 2018 et installé au dernier étage d’un bâtiment classé, l’espace offre un rooftop et deux grands plateaux avec vue imprenable sur tout Paris.
D’autres lieux assoient leur pérennité sur d’autres facteurs. «Un grand nombre d'espaces ont compris qu’il valait mieux être perçus comme un lieu de vie plus que comme un lieu vide, reprend Antoine de Tavernost. C’est la raison pour laquelle certains sites ne se contentent plus d’accueillir des manifestations. Ainsi, capitalisant sur son histoire d’ancienne Bourse de Paris, le Palais Brongniart abrite toute l’année un espace dédié à la fintech.» En procédant de la sorte, ces espaces ne sont plus seulement des lieux événementiels mais des lieux de destination, où l’on vient pour d’autres raisons que la seule présence d’un séminaire ou d’une convention. «Dès lors, la situation centrale du lieu devient presque accessoire», observe Frédéric Lambert, cofondateur de l'agence Passage Piéton.
Mouvement permanent
«Pour être constamment branché, il faut justement ne pas chercher à l’être ! Il faut surtout être à l’image de la société, en mouvement permanent», ajoute Frédéric Lambert. L’exercice pouvant s’avérer très onéreux – l’équipement d’un lieu peut s’amortir sur une dizaine d’années –, il préconise une méthode inattendue mais bien dans la tendance: des lieux non finis, à l’image des lieux éphémères du moment, chargés d’histoire (ancienne usine, ancienne gare...) dans lesquels l’organisateur garde toute la liberté de transformer en fonction de ses objectifs. Et de citer pour conclure ce qu’il considère comme le cas d’école le plus inspirant: le Szimpla Kert, premier «ruin pub» de Budapest: «il ne désemplit pas depuis vingt ans alors qu’il est implanté (à peu de frais) dans l’ancien quartier juif et délabré de Budapest.»