L'intelligence artificielle va-t-elle remplacer les publicitaires ? Les agences de création jouent en tout cas beaucoup avec l'IA depuis deux ans : Famous Grey a inventé une voiture Volvo qui fait passer des entretiens RH, WPP a lancé pour Lexus la première pub TV entièrement écrite par une IA, tandis qu'au Japon, McCann a inventé son tout premier directeur de création virtuel. Mais pour François Brogi, vice-président création au sein de l’agence de stratégies data Artefact, le grand remplacement n’aura probablement jamais lieu : « c’est un nouveau terrain de jeu, incontournable, qui amène de nouvelles manières de réfléchir. Mais une IA est faite pour reproduire et améliorer les tâches répétitives. Notre métier ne reposant pas sur la réutilisation mais sur l’inattendu, il sera l’un des derniers à disparaître. »
Ne pas laisser la machine agir seule
Leah Morse, directrice de création sociale d’Havas Paris, le confirme : « une machine ne peut pas gérer l’étape du saut créatif, qui repose exclusivement sur l’intuition et l’émotion. L’IA peut en revanche avoir du sens sur les autres étapes que sont le processus de réflexion et la performance du déploiement. » Sur le sujet du marketing de précision, qui promet d'apporter le bon contenu à la bonne personne grâce notamment aux techniques de personnalisation automatisée, l’apport de l’intelligence artificielle est bien réel. À condition, là aussi, de ne pas laisser la machine agir seule, rappelle Hélène Gombaud-Saintonge, vice-présidente de BETC Digital : « la magie de la DCO [dynamic creative optimization] pousse à ajuster la création en temps réel en fonction des résultats. Si l’optimisation fonctionnera à court terme, la marque peut aussi se perdre à plus long terme. L’intelligence humaine doit garder le lead. »
Sourcing créatif
L'intelligence artificielle peut aussi se révéler précieuse durant la phase de planning stratégique, à l’image de ce qui existe déjà dans des agences comme Ici Barbès. « L’IA est devenue un outil de décision pour nos pitchs. Nous posons des sondes, dégageons des usages dominants mais aussi des signaux faibles qui vont à contre-courant des idées reçues. Ces sources inspirent, encouragent les intuitions et créent des insights pertinents pour aller en création », raconte Karine Sentenac, directrice associée de l’agence. À terme, de l’avis de Mathieu Morgensztern, CEO de WPP France et de GroupM, l’utilisation de l’IA sur cette phase de démarrage sera probablement amenée à s’intensifier davantage : « le sourcing créatif sera la prochaine étape. Les créatifs deviendront meilleurs en étant alimentés, sur les champs qui les intéressent, par des images, des concepts, des artistes provenant du monde entier. Techniquement, c’est d’ailleurs déjà possible. »
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