Dans son dernier avis daté du 29 octobre et intitulé «Qualité de la créativité et règles», le Conseil de l'éthique publicitaire (CEP), instance de réflexion sur les enjeux éthiques de la publicité associée à l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), relance un débat de fond: comment la créativité publicitaire peut-elle encore s'exprimer avec les nombreuses règles de déontologie existantes? «Les enfants grossissent? Vite un encadrement des allégations publicitaires. La violence devient un phénomène de société? Renforçons les règles déontologiques!», résument les rapporteurs du CEP présidé par Dominique Wolton.
Or, ces contraintes finissent par vider de son sens le discours publicitaire en provoquant le désintérêt du public. «Pourtant, la culture publicitaire est entrée dans les mœurs, chacun s'accordant à considérer les Français comme un public mature, capable de faire la part des choses dans les messages perçus», estime le CEP. Selon ce dernier, une publicité de plus en plus édulcorée va à l'encontre de son efficacité, de son rôle dans l'économie, du plaisir du consommateur et donc de son acceptabilité.
« Dans un souci légitime de prémunir les professionnels du moindre risque, les services de l'ARPP peuvent avoir tendance, dans certaines hypothèses, à exacerber leur rigueur», pointe le CEP. Au regard des dernières affaires autour des publicités Smerep et Lays (voir Stratégies n°1740), cette phrase du CEP n'est pas anodine. «C'est une ligne directrice que nous appliquons déjà, répond d'emblée Stéphane Martin, directeur général de l'ARPP. La crise économique impose une efficacité économique de la publicité. Il y a donc un lien à trouver entre efficacité et créativité.»
Est-ce à dire que l'ARPP va laisser passer des publicités plus audacieuses? «Nous allons donner plusieurs interprétations qui permettront à un grand nombre de publicités de rester dans leur esprit originel. Le débat aura peut-être désormais lieu a posteriori», précise Stéphane Martin.Autrement dit, l'ARPP a pris note des récents reproches et lâche un peu de lest. Pour Laurent Terrisse, vice-président de l'Association pour une communication plus responsable et fondateur de l'agence Limite, rien de pire: «Nous allons très vite avoir un scandale suite à une publicité “audacieuse” et le politique s'emparera du sujet. La sanction risquera alors d'être beaucoup plus dure…»
Un système qui fonctionne plutôt bien
En émettant cet avis et surtout en prenant la défense du Jury de déontologie publicitaire (voir l'encadré), mis en cause dans l'affaire Smerep, le CEP réveille l'épineux débat sur l'autorégulation de la publicité. Pour Vincent Leclabart, président de l'Association des agences-conseils en communication (AACC), le texte du CEP est «frappé au coin du bon sens avec une mise à distance appréciable».
Concernant le JDP, instance pour laquelle Vincent Leclabart a demandé une évolution (voir Stratégies n°1738), celui-ci s'estime confiant: «François d'Aubert, le président de l'ARPP, a écrit justement qu'une évolution du JDP était à l'étude.» Côté Union des annonceurs (UDA), on calme plutôt le jeu en appelant à une extrême prudence quant au fait de toucher à un système qui fonctionne plutôt bien depuis 2008. «On peut juste souhaiter à l'avenir un meilleur dialogue entre le JDP et les autres instances de l'ARPP», indique Gérard Noël, le vice-président de l'UDA.
Encadré
L'ARPP en bref
Créée en 2008 pour remplacer le Bureau de vérification de la publicité (BVP), né en 1935, l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité est indépendante des pouvoirs publics et est administrée paritairement par les annonceurs, les agences et les médias. Le dispositif de régulation professionnelle de la publicité fonctionne depuis juin 2008 avec trois «instances associées»: le Conseil de l'éthique publicitaire, instance d'anticipation composée de personnalités indépendantes et de professionnels de la communication; le Conseil paritaire de la publicité, instance de concertation composée de professionnels et d'associatifs; le Jury de déontologie publicitaire, instance de sanction composée de neuf membres non professionnels désignés par le conseil d'administration de l'ARPP.