A la grande surprise de l'agence TBWA Paris elle-même, l'annonce de sa restructuration a fait l'effet d'une bombe dans le petit milieu publicitaire français. Celle-ci a pris la décision de se séparer de sa double tête créative, le duo Eric Holden et Rémi Noël en place depuis 2009. Dans le même temps, Guillaume Pannaud, président de TBWA France et de TBWA Paris, annonce que l'agence en profite pour faire évoluer son modèle et se passer désormais d'une direction de la création. Un modèle classique dans les agences de publicité et qui, semble-t-il, avait fait ses preuves jusque-là.
Les réactions n'ont pas tardé. «La décision de TBWA de ne plus avoir une direction de la création est symptomatique d'un malaise qui ne va faire qu'empirer», lance aussitôt Pascal Grégoire, cofondateur, coprésident et directeur de la création de La Chose (lire page 6).
Epidermiques, ces prises de position montrent que le sujet est sensible pour toute une génération de publicitaires formés à ce modèle d'une création concentrée en une seule et même personne. Garant de la ligne créative de l'agence, vitrine pour le client, gourou à ses heures, juré international à d'autres, ce poste est devenu emblématique du secteur de la création publicitaire.
Néanmoins, si TBWA Paris se passe de ce poste central, l'agence n'entend pas lâcher la bride de sa création. Dans les quinze prochains jours, des nominations en interne devraient intervenir pour composer une nouvelle équipe dirigeante pour celle-ci. Plus de caporal en chef, mais un petit groupe resserré de directeurs de création.
Pour TBWA Paris, le marché ayant évolué, il faut à présent tenter un nouveau modèle. La structure souhaite, en effet, démultiplier les directions de création, chacune chargée de la communication intégrée dʼun ou plusieurs clients de lʼagence. «Lʼensemble du travail dʼune agence de la taille de TBWA Paris ne peut plus être supervisé par une seule direction de la création», estime Guillaume Pannaud.
Avec sa nouvelle organisation, celui-ci plaide pour une direction créative beaucoup plus impliquée dans le processus de production. Le reproche étant souvent fait au directeur de la création de ne voir qu'à peine 15% des travaux signés pourtant par son agence. Et ce même mouvement s'observe aussi à l'international, comme chez TBWA Amsterdam, Forsman & Bodenfors en Suède ou Wieden & Kennedy.
Andrea Stillaci, président de l'agence Herezie et de la délégation publicité de l'Association des agences-conseils en communication confirme: «Pour moi, c'est une évolution intéressante du métier. Ce qui va primer, désormais, c'est une forte culture d'agence plus que le culte d'une personnalité.»
Une succession non digérée
Néanmoins, certains accusent TBWA Paris de transformer un contexte difficile en maquillage esthétique. Le départ d'Eric Holden et Rémi Noël marque surtout la fin d'une période créative particulièrement peu fructueuse pour l'agence. La greffe n'a pas pris avec ce team créatif, par ailleurs de haute volée. Preuve aussi que tous les bons créatifs ne font pas forcément de bons directeurs de la création.
Cet échec vient aussi rappeler que la succession du charismatique Erik Vervroegen (aujourd'hui chez Publicis) n'a toujours pas été digérée. Le créatif belge reste à jamais associé à la grande époque de l'agence, de 2002 à 2008, celle des très nombreux Lions, à Cannes.
Au départ d'Eric Holden et de Rémi Noël, la logique aurait été de recruter une nouvelle tête d'affiche créative pour leur succéder, notamment internationale. Mais un tel casting ne semblait pas une priorité, compte tenu peut-être aussi des moyens de TBWA Paris.