Publicis Groupe a annoncé la semaine dernière l'acquisition de la totalité des parts de l'agence londonienne BBH, dont il détenait 49% du capital depuis 2002 suite au rachat, à 3 milliards de dollars, de B Com 3. Le montant déboursé avoisinerait les 100 millions d'euros. Le président de Publicis Groupe, Maurice Lévy, a indiqué que cette opération devrait permettre à son groupe «de franchir un nouveau palier en matière d'innovation». Implantée à New York, São Paulo, Singapour, Shanghai, Mumbai et Los Angeles, BBH, qui emploie un milllier de salariés et dont les revenus ont dépassé 110 millions d'euros en 2011 (en incluant ses activités brésiliennes, via Neogama), est l'enfant prodigue de la publicité britannique en termes de créativité.
Fondée en 1982 par John Bartle, Nigel Bogle et Sir John Hegarty, BBH a fait de la stratégie du contre-pied sa marque de fabrique. Elle a contribué à relancer Levi's, avec une publicité qui fit autant la promotion de l'agence que celle de la marque de jeans: un troupeau de moutons blancs cheminant vers une même direction, avec un mouton noir en sens inverse: «When the world zigs, zag»… Le mouton noir figure toujours sur le logo de BBH. L'agence a également déniché un certain Brad Pitt pour un autre spot pour la marque de jeans en 1991, à une époque où l'acteur était cantonné dans des seconds rôles sur le petit écran. Parmi les nombreux autres clients de BBH: Audi, Google, Axe, Johnnie Walker et British Airways, dont la dernière publicité télévisée pour les Jeux olympiques met en scène un avion sillonnant les rues de Londres tel un taxi. Une audace créative qui a valu à l'agence de multiples prix internationaux, dont une vingtaine encore lors des derniers Cannes Lions.
Lourde tâche pour le nouveau président
Située à Soho, quartier londonien comparable au IIIe arrondissement de Paris, BBH est bien loin de la dynamique matricielle de WPP, qui siège à Mayfair, dans le quartier des «hedge funds» ou… de Publicis Groupe, dont le pouvoir actionnarial pourrait nuire à sa liberté de ton, s'inquiètent les professionnels. Lourde sera en effet la tâche de Simon Sherwood, précédemment «Group CEO» et désormais président, tout comme celle d'Alexandre Gama. Le cofondateur de l'enseigne brésilienne Neogama, déclinaison brésilienne de BBH, succédera de fait à John Hegarty en personne à la tête de la création monde.
En tout cas, les salariés de BBH veulent le croire, les dix sentences affichées sur les murs du siège de l'agence continueront à guider leur ambition. On retiendra notamment: «Le droit pour tous d'être entendu» et «être très bien payé pour s'asseoir dans de très beaux bureaux et avoir beaucoup d'idées bêtes et farfelues.»