The Midas Exchange n'est pas une nouvelle plate-forme d'échange de pneus usagés, mais la dernière-née des enseignes de WPP aux États-Unis. En lançant fin avril cette société, Group M, le pôle médias du géant britannique de la publicité, s'attaque au marché du bartering.
Cette technique permet aux annonceurs de financer tout ou partie de leurs achats médias par la vente d'actifs dépréciés, notamment de stocks, leur ouvrant droit à des crédits d'achat auprès des médias concernés. Ces derniers se rémunèrent en partie en nature avec les produits ou les services de l'annonceur ou d'autres clients de la société de bartering faisant office d'intermédiaires.
Très développé dans les pays anglo-saxons, le bartering représenterait ainsi outre-Atlantique quelque 25 milliards de dollars. Bien loin des transactions réalisées en France, inférieures à 300 millions d'euros par an. La loi Sapin n'y est pas étrangère. Toutefois, le marché hexagonal n'échappe pas au regain d'intérêt pour cette pratique, surtout en cette période de crise.
«En dépit de la modestie de notre budget médias, le bartering nous offre une part de voix publicitaire importante. Cela représentera cette année 15% de nos investissements médias», déclare Olivier Dupond, directeur de la division produits grande consommation chez Eugène Perma, qui a récemment financé en partie une campagne pour Pétrole hahn avec MBB.
Ces derniers temps, les indépendants – et leaders du secteur – tels MBB, TEC ou Active International voient donc arriver en force les filiales spécialisées des grands groupes publicitaires.
Ainsi, quelques jours après l'annonce de WPP, Havas Media inaugurait discrètement aux États-Unis sa propre structure spécialisée. Déjà, en début d'année, Interpublic Group, qui a investi ce marché depuis 1998, avait installé en France une filiale d'Orion Trading, sa nouvelle structure de barter relancée l'an dernier outre-Atlantique.
La nouvelle entité française dirigée par Clif Lee, un ancien de MBB (Marketing Buying Bartering), relaie pour l'heure uniquement les contrats signés avec les clients du groupe aux États-Unis ou en Grande-Bretagne (Hertz, Allergan, SC Johnson, etc.).
De son côté, Aegis dispose depuis 2001 de Carat Trade. Quant à Omnicom, l'implantation en France de sa filiale Icon n'est peut-être pas d'actualité, mais «le barter est une activité dans laquelle nous croyons», assure Bertrand Beaudichon, vice-président d'OMG qui travaille avec MBB et TEC.
15% de l'achat d'espace en France
Cet activisme ne fait pas que des heureux. «En lançant leur propre filiale, les agences médias mélangent les genres et pas forcément à l'avantage de leurs clients, dénonce Philippe Gimond, président de MBB. Une agence de barter indépendante, elle, n'a pas de problème pour travailler avec toutes les agences médias du marché.» Philippe Mahieux, président d'Active International, renchérit: «L'activité de “trade” qui consiste à écouler des produits de façon discrète et parfois en créant de nouveaux canaux de distribution ne s'improvise pas.»
Ce à quoi les nouveaux entrants répondent en assurant qu'in fine l'intérêt de l'annonceur est de s'adresser à son agence médias. «En gérant l'ensemble des flux, on peut mieux contrôler la prestation de conseil que l'on fournit et du coup la cohérence du plan médias», explique Clif Lee, d'Orion Trading, qui estime que d'ici à dix ans, 15% de l'achat d'espace en France se fera en barter.
Reste la réputation parfois sulfureuse qui colle encore au bartering (avec des rumeurs de crédits médias non honorés ou non consommés…), à laquelle MBB, notamment, pense bientôt s'attaquer en s'associant à un organisme financier couvrant à 100% la garantie de bonne fin des crédits.