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La Formule 1, jadis élitiste, était devenue has been. Mais depuis 2017 et son rachat par Liberty Media, les activations pour reconquérir les fans de la première heure et séduire une audience plus jeune semblent porter leurs fruits. Retour sur les rouages de cette reconquête marketing.

Qui aurait cru que se retrouver derrière son poste de télé un dimanche après-midi devant une course de Formule 1 deviendrait cool ? Il y a encore quelques années, ce rendez-vous sur le canapé était réservé aux passionnés de tonnerre mécanique. Désormais, ce sport considéré de niche connaît un regain de popularité auprès de différentes communautés au point de devenir un incontournable. Mais d’où vient cette soudaine hype ? « Ce regain de popularité, en France notamment, vient de la performance de nos pilotes. Nous avons connu une période creuse, jusqu’à l’arrivée en 2012 du pilote suisse Romain Grosjean et le retour de Renault (depuis devenue Alpine) dans les écuries pour représenter la France. Plus récemment, on a vu arriver une nouvelle génération de pilotes francophones avec Esteban Ocon, Pierre Gasly ou encore Charles Leclerc », rappelle Felix Rauturier, research & insight analyst chez We Are Social.

La F1 revient de loin. Entre 2007 et 2017, ses audiences télé à l’international se voient réduites de moitié, avec une image vieillotte qui lui colle à la peau. Jusqu’à son rachat en 2017 par la société de média Liberty Media. Julien Fébreau, journaliste et commentateur officiel de la Formule 1 depuis 2013 sur Canal+, actuel détenteur des droits de diffusion en France jusqu’en 2029, a constaté un avant-après ce rachat. « Ce nouveau propriétaire s’est ouvert davantage au digital et aux réseaux sociaux, mais aussi à la façon de filmer ce sport ; le nombre de caméras mises en place sur les circuits (sur les voitures et casques des pilotes) a très nettement augmenté. À une époque on voyait presque plus les sponsors que les voitures, alors qu’aujourd’hui la piste est filmée dans l’intérêt du sport », explique-t-il.

Virage digital

Autre coup d’accélérateur dans la renaissance de la Formule 1 en France : les réseaux sociaux, notamment pendant le confinement de la population. « Pendant cette période, nous avons beaucoup vu les pilotes jouer à des jeux vidéo sur Twitch, ce qui a notamment permis à la jeune génération de les suivre et de s’identifier à eux, de par leur centre d’intérêt et leur jeune âge », commente Julien Fébreau. De manière générale, les jeunes consomment moins la télé que leurs parents et préfèrent se retrouver sur des plateformes alternatives comme Twitch ou les réseaux sociaux. « Si un pilote partageait un extrait d’un dépassement dont il était fier, il risquait de se faire taper sur les doigts. Désormais les pilotes, tout comme les écuries, sont encouragés à poster dans l’intérêt de partager ce sport automobile », ajoute Julien Fébreau.

Tous sont faciles à trouver sur les réseaux puisqu'ils disposent chacun d’un compte personnel sur Facebook, Twitter et Instagram exceptés Sebastian Vettel, Guanyu Zhou et Yuki Tsunoda. « Lewis Hamilton reste le plus suivi avec 41 millions de fans cumulés, suivi de Sergio Perez. Quant à Lance Stroll et Nicholas Latifi, ils sont les moins suivis sur les réseaux, peut-être parce que leurs parents sont des milliardaires et qu’ils ont été placés par facilité plus que par performance, ce qui ne plaît sans doute pas aux fans », analyse Felix Rauturier. À l’image d’un influenceur, ils créent une communauté partageant des contenus sur les réseaux et participant à des challenges « drôles » sur YouTube.

Binge-watchés

En parallèle, le phénomène prend de l’ampleur avec la diffusion du documentaire Formula 1 : Drive to Survive (Formule 1 : Pilotes de leur destin) sur Netflix en 2019. En quatre saisons, la série donne à voir une immersion totale dans les coulisses de ce sport méconnu du grand public. « Elle est bien tombée puisque les saisons 2 et 3 sont sorties pendant les confinements », rappelle l’analyste de We Are Social. En effet, toujours selon l’agence, 10,5% des abonnés premium Netflix avaient déjà un intérêt pour la F1. Après l’arrivée de la série sur la plateforme, ce chiffre est passé à 13%. Bien que critiquée pour ses approximations, ses mauvais raccords et une trop grande importance donnée à la rivalité entre les pilotes, sa diffusion a tout de même permis d’activer une jeune audience. « Il faut prendre cette production comme elle est, et pas comme on aimerait qu’elle soit. Leur but est de créer une attache en présentant des personnages, des enjeux. Ce contenu additionnel a ramené une audience plus jeune, tout en redonnant envie aux anciens fans », rapporte Pierre-Olivier Valette, également connu sous le nom de Depielo, créateur de contenu axé sur ce sport automobile. Une autre cible également séduite, et ce malgré les préjugés, est celle des femmes. En 2018, 4,8% des abonnées à Netflix déclaraient suivre la Formule 1. Après la sortie de la première saison de la série à succès, elles sont 6% à déclarer suivre les Grands Prix (6,9% en 2020 et 6,5% en 2021).

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La prochaine étape serait de passer de l’écran au réel, explique Depielo : « L’objectif pour les écuries est de donner assez envie à leur communauté de se rendre sur les Grands Prix. » Il sera d’ailleurs l’un des participants du Grand Prix Explorer, une compétition de Formule 4 où 20 pilotes – pour la plupart des influenceurs —, répartis en 10 écuries, s’affronteront sur le circuit du Mans en octobre prochain. Cette compétition organisée par le youtubeur Squeezie sera retransmise sur Twitch. Une énième opération séduction pour fidéliser la communauté des millennials. Une place dans les gradins restant encore trop onéreuse –1600 euros en moyenne pour le Grand Prix de Miami–, les passionnés préfèrent rester derrière leurs écrans. Les audiences en témoignent : chacun des 23 Grand Prix est suivi par 70,9 millions de personnes dans le monde. Cela représente plus d’un milliard de téléspectateurs en audience cumulée. « Les organisateurs réfléchissent à de nouveaux circuits, comme celui de Las Vegas, au profit d’anciens. Une promesse qui ne semble pas plaire aux fans de la première heure », lance Felix Rauturier. Si de nouveaux aficionados ont rejoint la course, leur fidélité n’est pas gravée dans le marbre. Comme souvent, les relations passionnelles ne durent qu’un temps. L’arrivée imminente d’un documentaire sur le Tour de France 2022, produit également par Netflix et tourné à la manière de Formula 1 : Drive to Survive, présage-t-elle d’une sortie de piste ?

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