Pourquoi ils investissent l'été

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Les investissements publicitaires fondent au soleil. Période traditionnellement creuse, l'été connaît néanmoins depuis quelques années un retour en grâce. En deux ans, entre les mois de juillet-août 1995 et juillet-août 1997, les investissements plurimédias bruts des annonceurs ont ainsi progressé de 1milliard de francs, à 7milliards de francs, soit une hausse de 15%, essentiellement due à un excellent été 1996(1). L'été 1998 sera-t-il dans la même lignée? S'il est encore difficile de se prononcer, le Mondial, qui retarde de quinze jours le départ du Tour de France et réduit d'autant le désert publicitaire, permet de le penser, même si certains redoutent des effets pervers (cf.Stratégiesdéplacement. En 1997, la part relative des investissements de l'été était de 12,7% en affichage et de 11,9% en radio, contre 10,1% en moyenne plurimédia, 9,6% en télévision et 9,5% en presse. Pourtant,«il ne se passe rien de vraiment notable en radio,souligne Valérie Debord, directrice du département radio de Mediapolis.Le média ne dispose pas de données d'audience, les régies ne modifient pas leurs tarifs, seuls quelques produits sont proposés ça et là, mais pas de façon systématique.»Comme si chacune des stations avait intérêt à ne pas faire plus d'effort.La distribution en première ligneLe sous-investissement de la télévision l'été est, lui, simple à comprendre. Les Français sont moins nombreux devant le petit écran en juillet et en août - de plus, Médiamétrie ne prend pas en compte les vacanciers - et ils le regardent moins: 158minutes par jour en juillet dernier et 144minutes en août, contre 180minutes en moyenne annuelle. En revanche, le phénomène est moins logique pour la presse, dont certaines familles (presse féminine, presse people et magazines à centre d'intérêt) enregistrent une progression sensible de leurs ventes.«Il existe un fort décalage entre les niveaux de diffusion l'été et les investissements publicitaires qui chutent sérieusement»,note Philippe Dève, directeur général de Planète Presse. Selon Carat Presse, la baisse globale était en 1997 de 30% en juillet et de plus de 50% en août. Mais cette moyenne cache d'importantes disparités, y compris pour les plus gros secteurs: la bureautique-informatique cède 50% en juillet et 80% en août, les transports respectivement 50% et 70%, les services 40% et 60%, la toilette-beauté 30% et 60%, la distribution 30% dans les deux cas, et l'édition 20% et 40%. Quant à l'alimentation, elle est stable en juillet et recule de 40% en août, tandis que les boissons reculent de 20% en août mais progressent d'autant en juillet. Pourtant, régies et conseils médias ne sont pas avares d'initiatives en tout genre pour attirer les annonceurs, notamment en élaborant des produits publicitaires spécifiques et en multipliant les remises tarifaires.«Nous faisons des efforts de pédagogie en direction des annonceurs pour les inciter à communiquer l'été,affirme Aline Moreau, directrice du conseil presse chez Mediapolis.Mais ils demeurent réticents.»Les secteurs qui surinvestissent l'été ne sont pas légion. Premier d'entre eux, la distribution représentait en août dernier 16,1% des investissements plurimédias, alors que son poids sur l'année n'est que de 10,7% (deuxième secteur, derrière l'alimentation). Ensuite, on retrouve les boissons - Pepsi Cola concentre 38,2% de son budget annuel sur les deux mois d'été, Volvic 35,5%, Schweppes 28,1% et Heineken 22,3% -, la toilette-beauté (26,1% du budget annuel de Colgate-Palmolive), l'entretien (59,5% du budget annuel d'Eau écarlate), ou encore l'édition (45,3% du budget annuel de Hachette Éditions) et les médias. À l'instar du magazineElle(lire page 44), un certain nombre de titres multiplient les investissements publipromotionnels afin de doper leur diffusion. Douze annonceurs ont été encore plus radicaux en 1997 en choisissant de ne communiquer à la TV qu'au cours de l'été. Il s'agit notamment de Choky (1,25million de francs bruts), Virgin Cola (1,44MF), Asics (1,45MF, lire page 44), France Lait (3,32MF) et de la Société européenne de satellites (6,62MF).«Notre objectif était d'acquérir une forte notoriété,explique Florence Leblond, responsable du marketing de la filiale française de la Société européenne de satellites.Nous avons donc naturellement opté pour une campagne à la télévision, particulièrement attractive l'été en raison d'un encombrement moindre. Le choix de la période s'explique aussi par le partenariat que nous avons signé pour trois ans avec le Tour de France.»Tous les médias connaissent ce désencombrement, dû à une baisse sensible de leurs insertions, principalement en août, ce qui favorise les possibilités d'émergence des campagnes. En 1997, la pagination des journaux et magazines a ainsi baissé de 46,2% (par rapport à la moyenne mensuelle annuelle), le nombre de messages radio de 33,9%, le volume de spots télévision de 21,5% et le nombre d'affiches de 17,6%. En juillet, le phénomène était beaucoup moins marqué: -23,7% en presse, -11,1% en radio et -2,5% en télévision. Quant à l'affichage, il présentait un solde positif (+3,8%)!Des tarifs attractifsOutre l'émergence, la période estivale permet aussi de bénéficier de tarifs particulièrement attractifs. Tous les afficheurs proposent ainsi des remises spécifiques. Avenir et Dauphin offrent 20% entre le 13juillet et le 23août, le prix des réseaux Métrobus Paris est minoré de 30% aux mêmes dates. Decaux consent, du 13juillet au 12août, des ristournes de 44% pour ses Abribus et de 50% pour ses Seniors. Ces conditions préférentielles expliquent pour partie le dynamisme de ce média l'été (+11,7% entre juillet-août 1995 et juillet-août 1997).«Nous constatons depuis trois ans une progression régulière des investissements en été,confirme Jean-Marc Robert, directeur de Carat Affichage.Certaines hausses peuvent même atteindre 20% en recettes nettes.»À la TV, la combinaison d'une audience et de tarifs en baisse offre des coûts GRP très attractifs: -22% en juillet-août 1997. Si l'on ajoute un encombrement publicitaire divisé en moyenne par trois par rapport au reste de l'année, on obtient la possibilité de réaliser de bonnes affaires. Les annonceurs peuvent ainsi s'offrir une campagne TV deux fois et demie moins chère. Le budget moyen par produit s'élevait, l'été dernier, à 2,5millions de francs, contre 6,7millions sur l'ensemble de l'année. L'agence Business, qui s'est fait une spécialité d'exploiter le créneau des écrans peu demandés, a lancé, ou relancé, de nombreux produits durant l'été, comme l'eau Cristaline, le Pavé d'Affinois (lire ci-dessous) et le nettoyant pour lunettes Vu. Avec un budget de 2,5MF, cet annonceur a obtenu, en 1995, 47% de notoriété à l'issue d'une campagne de 140spots. Une performance remarquable pour un produit inconnu quelques semaines plus tôt. (1) La progression était de 12,4% par rapport à juillet-août 1995, alors que l'année 1996 affichait une progression deux fois moindre.