Les nouveaux territoires des agences médias

Description

La ruée vers Internet a eu lieu. La nouvelle économie est devenue un véritable centre de profit et de développement pour les agences médias. Les petites cellules, vouées dans un premier temps au conseil et à l'achat médias en ligne des clients traditionnels, sont devenues des filiales ou des départements à part entière. Bénéficiant d'une croissance exponentielle, elles font maintenant de l'ombre aux structures plus traditionnelles. Surfant sur la Net-économie, les agences médias intègrent de nouvelles compétences en visant les nouveaux annonceurs d'Internet. Elles ont aussi l'ambition de devenir de véritables marques.«Nous avons été attaqués par de nouvelles sociétés sur l'achat d'espace en ligne,explique Hervé Blandin, président de l'Union des entreprises en conseil et achats médias (Udecam).Non seulement nous avons pu répondre sur ce terrain, mais nous avons également su apporter toute notre offre de services sur le hors ligne.»Développement recordLes agences médias ont en effet rapidement débloqué les moyens pour développer cette activité et faire d'Internet un média, au même titre que les autres. La priorité des investissements a donc été donnée aux études. Aujourd'hui, l'enquête de mesure d'audience référence, pierre angulaire pour l'avenir commercial d'Internet, n'est pas encore définie. Néanmoins, les structures médias dédiées à l'achat et au conseil médias sur Internet sont déjà dotées d'outils spécifiques. Un développement réalisé en un temps record, si on le compare à celui pris par les autres médias pour se structurer de manière équivalente. Il est vrai qu'il était important pour elles d'aller vite, car les dotcoms arrivent en force: abreuvées de capitaux frais constitués grâce à d'importantes levées de fonds, à la recherche d'une notoriété rapide, elles investissent d'entrée de jeu une part élevée de leurs fonds dans les médias. Le conseil et l'achat d'espace médias représentent donc un poste important et stratégique.Structures spécialisées ou clients comme les autresSi chacun se retrouve pratiquement sur la même longueur d'ondes pour l'achat en ligne, il existe en revanche deux écoles pour la gestion des annonceurs de la nouvelle économie: certaines ont choisi d'intégrer les dotcoms comme un client «normal», d'autres ont préféré développer un pôle conseil spécialisé. OMD a choisi l'option intégration. Tous les clients dotcoms de l'agence médias rejoignent ainsi les différentes cellules commerciales déjà existantes et voisinent avec des annonceurs classiques.«Ce sont des clients comme les autres,estime sa présidente, Viviane Prat.Nous devons les accompagner dans leurs stratégies médias sur Internet, mais également, et surtout, dans le conseil et l'achat d'espace des médias classiques.»Un point de vue partagé par d'autres agences comme Initiative Média, mais aussi MindShare, qui possède pourtant depuis longtemps un département dédié à la nouvelle économie: MindShare Digital.«Nous ne sommes pas partisans d'une structure à part entière dédiée aux dotcoms,confie Annie Loncq, présidente de MindShare.Cela reviendrait à créer un ghetto, alors que les stratégies médias de ces annonceurs se rapprocheront bientôt de celles des annonceurs classiques.»L'alternative pour les agences médias est de monter des structures spécialisées pour les dotcoms, dont l'objectif sera d'apporter des réponses propres à des contraintes particulières.«Nous nous situons pratiquement dans une logique d'incubateur,précise ainsi Bertrand de Lestapis, vice-président de MPG France.Notre rôle de conseil s'inscrit dans la pérennité et l'accompagnement.»Une direction empruntée également par Carat. La première agence médias française a même décidé d'aller plus loin dans la démarche en créant @Carat.«L'objectif est de s'adresser aux start-up avec une approche marketing complète,avance Philippe Seignol, directeur général de la filiale.Nous remontons très en amont de la réflexion et participons à la construction du business plan du projet. L'objectif est de caler parfaitement la part de la levée de fonds destinée aux besoins de la communication.»Egalement très impliquée, @Carat n'hésite pas à prendre une faible participation dans les projets qu'elle pilote. Une fois le dossier lancé, elle reprend son rôle classique d'agence médias en réalisant le conseil et l'achat d'espace de ses nouveaux clients. La déferlante des start-up est telle que, seulement pour @Carat, cinq nouveaux clients sont signés chaque mois. Revers de la médaille, ce raz-de-marée nécessite une organisation parfaite. Pour juguler ce flot, les agences sont souvent contraintes d'effectuer des sélections drastiques de leurs nouveaux clients. Un procédé pratiquement impensable il y a peu. Quelquefois, les choix peuvent se révéler décevants, car le site n'obtient pas l'investissement prévu. Il peut aussi cacher de belles surprises. C'est le cas, par exemple, pour MindShare où l'on reconnaît être un peu étonné par l'ampleur pris par son client Kelkoo. D'un budget initial d'une trentaine de millions de francs, uniquement en France, celui-ci devrait cette année être au minimum multiplié par trois avec une action européenne.Problème de recrutementCependant, le déploiement de ces nouvelles enseignes sur Internet se heurte à un gros souci: le recrutement. Développement rime en effet avec augmentation des effectifs. Cette année, une centaine de nouveaux postes seront créés dans les agences médias et les candidats commencent à se faire rares dans un marché limité. Sur le sujet, chacun tient à rester discret, mais le mal est tout de même là. L'Udecam a d'ailleurs décidé de se pencher sérieusement sur la question pour apporter rapidement des réponses en termes de formation. Très promptes à se structurer autour d'Internet afin d'augmenter leurs domaines de compétences, les agences médias ont négligé l'aspect humain.