Le marché se réorganise

Description

L'année 2001 a été morose pour le marché de l'édition d'entreprise. De nombreux annonceurs ont coupé dans les budgets ou reporté leurs projets, quand ils ne les ont pas purement annulés. Dans certains cas, les économies ont été réalisées en douceur. Des entreprise ont diminué la périodicité de leur magazine. Sodexho a ainsi sorti un seul numéro au lieu des quatre prévus. Et quand la périodicité a été maintenue, les coûts ont été réduits sur d'autres points: Visual, par exemple, a revu à la baisse la pagination de son magazine clients et la Fnac celle de son journal interne. Les annonceurs sont également tentés de demander aux agences d'économiser sur la diffusion et l'iconographie.
Mais, dans d'autres cas, les coupes de budgets peuvent survenir de manière plus brutale.« Quand Renault chute de 20 ou 30 % en Bourse, le groupe diminue de 15 % le budget alloué à la prestation de Créapress »,déplore François Blanc, président de l'agence. La filiale du groupe BBDO Paris a même gagné cette année une grosse compétition dont le projet n'a jamais été concrétisé, faute de budget ! Les consumers en régie, la spécialité de Textuel (TBWA\France), n'ont pas échappé à la baisse du marché publicitaire.« L'année 2001 a été tendue et 2002 ne s'annonce pas euphorique »,déclare Laurence Vignon, directrice générale adjointe de Textuel. L'agence a perdu un budget historique important avecLa Vie électrique, le mensuel interne d'EDF récupéré par Tagaro ! DDB&Co. Une perte compensée par d'autres gros budgets comme France Télécom ouVivre, le consumer magazine du distributeur Champion.
Si aucune agence d'édition n'a déclaré de licenciements secs, la plupart se sont séparées de leurs salariés en contrat à durée déterminée (CDD), ou bien n'ont pas remplacé les démissionnaires. Chez Textuel, les quelques postes permanents dévolus àLa Vie électriqueont été réaffectés, mais les employés en CDD ont quitté l'agence. Au sein du groupe High Co, l'enseigne Editum a disparu suite à la perte du consumer de Champion, dernier gros budget de l'agence. Les cinq postes salariés ont cependant pu être intégrés au sein de K Publishing, l'autre agence d'édition du groupe. L'Agence, qui a été rachetée par Carat l'automne dernier, n'a pas gardé ses collaborateurs les plus récents. Quant à Verbe (Publicis), elle avait opéré sa restructuration dès fin 2000, au moment de l'arrivée de Franck Simoni à la direction générale, avec l'objectif de« retrouver des bases économiques stables ». L'équipe a été à la fois allégée et renouvelée, puisque l'agence a enregistré vingt départs et dix arrivées. Le prédécesseur de Franck Simoni, Yves Benouaich, qui était encore en charge de la filiale multimédia Kontnu l'an dernier, a quitté le groupe fin 2001.

La qualité tirée vers le haut

Pour maintenir leur activité autant que faire se peut, les agences doivent se surpasser en conseils stratégiques astucieux et novateurs. La crise, une fois de plus, tire le conseil vers le haut. Franck Simoni a l'intention de se distinguer en proposant du conseil sur le montage de projets :« Les clients ont du mal à déterminer leurs besoins et trop de consumers disparaissent ». La nouvelle offre de Verbe correspond à un travail en amont sur les magazines clients, digne d'un lancement dans la grande presse. Elle devrait être facturée entre 50 000 et 150 000 euros.« Il s'agit de sécuriser un investissement de plusieurs millions. Le marché est prêt et souhaite ce type d'approche »,assure le directeur général de Verbe. TDE Consultants, cabinet conseil en conduite de changement ayant aussi une activité d'édition, confirme la demande, de la part des grands comptes, d'une approche éclairée sur la valeur ajoutée de chaque support.« Nous suggérons des procédures d'audit de communication qui vont plus loin que la simple étude de lectorat. On ne remet pas en cause la qualité des supports, mais leur utilité »,lance Thierry Do Espirito, gérant de TDE Consultants.
Tagaro !DDB&Co, Créapress, Altedia ou encore Euro RSCG Publishing ont, eux aussi, été régulièrement sollicités l'an dernier sur des audits éditoriaux de grands groupes. Avec des clients internationaux comme France Télécom, Accor ou BNP Paribas, Éric Bentot, président de Tagaro !DDB&Co, revendique sa capacité à faire du « benchmark », avec le risque que cette prestation de conseil aboutisse à la suppression d'un support réalisé par sa propre agence...

Le pari de l'innovation

Pour autant, le secteur de l'édition d'entreprise apparaît relativement épargné par cette baisse de régime :« Les premiers budgets touchés restent, et de loin, ceux liés à la publicité. Les marques ont plutôt tendance à se concentrer sur leurs fondamentaux et donc sur leurs messages institutionnels »,observe Béatrice de Cambolas, qui a remplacé Bruno Scaramuzzino à la direction d'Euro RSCG Publishing, depuis que ce dernier est parti en congé sabbatique, mi-février.« Lorsque les messages négatifs inondent la presse grand public, les entreprises éprouvent le besoin de contrebalancer l'information, en interne comme en externe »,renchérit Éric Bentot. En 2001,Tagaro !DDB&Co a d'ailleurs principalement gagné des budgets de journaux internes internationaux. L'agence a notamment récupéré le journal interne d'EDF, client historique de Textuel, qui représente un budget de 700 000 à 900 000 euros.
Les mouvements de fusions-acquisitions ont également contribué à soigner la qualité des prestations des agences. Angie est intervenue sur la fusion de GlaxoWellcome et SmithKline Beecham, qui a donné naissance à GlaxoSmithKline.« Nous étions déjà fortement implantés dans le conseil en architecture médias, nous voici impliqués dans l'accompagnement du changement »,se félicite Éric Camel, le PDG de l'agence. Si les fusions et autres restructurations font monter le niveau des prestations, ces opérations ne profitent pas à tout le monde. Qui dit fusion dit optimisation des coûts et rationalisation des processus. Quand Axa revoit ses canaux de distribution pour les décloisonner, le groupe remplace quatre journaux internes par un seul magazine, baptiséPerspectiveset édité par Publicorp. Au passage, l'assureur a réduit son budget de presse interne de moitié. Il s'agit là d'une tendance lourde de la presse d'entreprise. Une étude de Carat sur les consumer magazines note une disparition progressive des journaux diffusés à moins de 250 000exemplaires, mais démontre une très forte progression des titres à plus d'un million d'exemplaires sur les trois dernières années (50 % des consumers en 2001, contre 11 % en 1999).
En cette période de restrictions, les agences sont incitées à davantage intégrer leur offre. Sur un appel d'offres, même limité à un journal papier par exemple, toutes les structures déclarent désormais pratiquer une approche plurimédia. C'est dans cet esprit que Verbe a réuni ses entités Corporate et Consumer. L'enseigne revendique maintenant une collaboration avec les filiales de sa maison mère : Publicis Conseil, Consultants, Dialog ou Network, selon les problématiques. De son côté, Altedia a regroupé ses départements Presse d'entreprise et Édition au sein du pôle Communication du groupe. En passant, la nouvelle entité, dénommée Altedia Editing, améliore ainsi sa visibilité en affichant 7 millions d'euros de marge brute cumulée. Jean-Claude Muller et Renaud Gassin, qui dirigent ce nouveau département, espèrent également gagner en créativité.
De fait, hormis la rationalisation des coûts largement entamée depuis l'an dernier, les agences ont à mener un autre chantier, et non des moindres : celui de l'innovation.