Gardez le moral !

Description

Les médias ne se privent jamais d'évoquer le moral des Français. Mais à quoi l'indicateur du moral correspond-il ? Quand le moral est en hausse, cela signifie-t-il que les habitants de l'Hexagone nagent en pleine euphorie ? Et quand il est au plus bas, que les Français sont au bord du gouffre ?
L'indicateur, tiré de L'Enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages, est réalisé par l'Insee depuis 1987. Les trois premières semaines de chaque mois, sauf en août, plusieurs questions sont posées par téléphone à deux mille ménages. Elles portent sur cinq critères majeurs : la situation financière personnelle, l'opportunité d'acheter et d'épargner, le niveau de vie des Français, le chômage et l'évolution des prix. Parmi les questions posées : « Pensez-vous que les gens aient intérêt à faire, actuellement, des achats importants (meubles, machine à laver, télévision, etc.) », « Quelle est votre situation actuelle ? Vous arrivez à mettre pas mal d'argent de côté, vous bouclez juste votre budget, ou vous êtes en train de vous endetter ? », ou encore : « Pensez-vous que le chômage va augmenter, rester stationnaire ou diminuer nettement ? » Les réponses sont traduites en termes de soldes d'opinion (opinions positives ou négatives), et l'indicateur résumé est obtenu par la moyenne arithmétique des cinq indicateurs. Des enquêtes mensuelles identiques sont effectuées dans tous les pays de l'Union européenne.
À l'heure actuelle, il semblerait que les Français soient plus que moroses... L'indicateur de juillet est de l'ordre de - 17, soit le plus bas en 2001-2002, avec le mois d'avril dernier, ou il se situait également à - 17. Le pessimisme est de mise, tant à propos du niveau de vie en France que de la situation financière personnelle. Après une pause enregistrée depuis trois mois, les ménages se disent à nouveau pessimistes sur l'évolution du chômage. Quant au solde d'opinion relatif à l'opportunité d'acheter, il poursuit sa lente érosion. Les Français estiment néanmoins que leur possibilité d'épargner s'est stabilisée. Cela ne les empêche pas de trouver que les prix ont augmenté et de craindre que ce mouvement ne persiste dans les mois à venir.

Variations saisonnières

« De 1996 à 2001, le moral des Français était au plus haut,explique Aurélien Daubaire, chef de la section Consommation des ménages aux comptes trimestriels de l'Insee.C'était l'époque des changements économiques, avec notamment l'explosion du Net et l'euphorie des start-up. Le chômage était en baisse et le pouvoir d'achat en hausse. Depuis le début 2001, on constate une dégradation, évidemment aggravée par les attentats du 11 septembre 2001. »
De fait, les événements influent sur le moral.« En général, l'indicateur remonte à l'occasion d'élections, qui annoncent des changements politiques,remarque Aurélien Daubaire.Cette année, à la suite du premier tour de l'élection présidentielle, où l'on a eu la surprise de voir Jean-Marie Le Pen confronté à Jacques Chirac pour le deuxième tour, la confiance des ménages a chuté en avril, pour ensuite remonter en mai, après la victoire de Jacques Chirac. »
À l'approche des grandes vacances et des fêtes de fin d'année, les Français se montrent également plus guillerets. D'où la nécessité de se livrer à la « désaisonnalisation », c'est-à-dire à pondérer les réponses en tenant compte de l'optimisme généré par la perspective de farniente au soleil ou de repas de famille et de cadeaux de Noël.« En été, on sait que tout le monde est content !souligne Aurélien Daubaire.Nous corrigeons les variations saisonnières pour obtenir des résultats plus fidèles à la réalité et plus propres à intéresser les économistes. »
Peut-on prévoir à l'avance le moral des Français ? Difficile. Ainsi, la crise boursière augure mal des prochains mois. Cependant, même si l'on peut tirer quelques plans sur la comète, pronostiquer avec précision l'évolution de l'opinion des ménages s'apparente à lire dans une boule de cristal...« L'ambiguïté de cet indicateur,estime Aurélien Daubaire,c'est que l'on aimerait s'en servir pour faire des prévisions, mais que l'on ne peut deviner toutes les variables qui vont jouer sur les résultats d'opinion. »Espérons qu'une variable inattendue fasse sortir les Français de cette sinistrose...