Formation continue

Description

Après la loi du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle, le marketing et la communication découvrent la formation tout au long de la vie, le « life long learning » dont bénéficient depuis longtemps leurs homologues américains. Effective depuis mai dernier, la réforme impose aux entreprises de revoir de fond en comble leur gestion des compétences. Directeurs de communication, chefs de produit ou assistants marketing, tout le monde est concerné. Cette année, presque un cadre sur quatre envisage de faire usage de son nouveau droit individuel de formation (DIF), selon une étude d'Édition formation d'entreprise (EFE) menée en avril 2005. Pierre angulaire de la réforme, le DIF assure à chaque collaborateur un capital de vingt heures par an, cumulables pendant six ans. Sa mise en oeuvre se fait à l'initiative du salarié, avec l'accord de son responsable hiérarchique. Une nouvelle logique de co-initiative, où le salarié devient le principal acteur de son employabilité. Autre axe clé de la nouvelle loi : la période de professionnalisation, qui instaure des formations en alternance pour les plus de quarante-cinq ans et les salariés ayant vingt ans d'activité. Sans compter que les actions ne se limitent plus à l'adaptation au poste de travail ou au maintien dans l'emploi. Désormais, elles s'étendent au développement de compétences au sens large, comme gérer sa carrière, parler en public ou parfaire son niveau de langue.

« C'est un changement d'approche radical, basé sur une logique de parcours individuel »,commente Mario Figueroa, DRH de la filière communication de France Télécom. Avant la réforme, les communicants et responsables marketing du géant de la téléphonie bénéficiaient surtout des formations que l'entreprise voulait bien leur accorder.« À la rentrée, chaque collaborateur pourra démarrer une formation adaptée à son projet professionnel »,se félicite-t-il. En pleine privatisation, France Télécom a pris une longueur d'avance. Depuis 2003, le groupe planche sur des référentiels métiers pour identifier les axes d'expertise, notamment en communication et marketing. Le 16 juillet, la direction présentera la refonte globale de son plan de formation devant un comité central d'entreprise. Mieux, le groupe va ouvrir un « Campus Com » (lire en page 38). Le tout pour développer les compétences, non plus seulement des cadres de vingt-cinq à quarante-cinq ans, mais aussi des seniors et des assistants.
En élargissant les publics visés, la nouvelle loi dope le marché plutôt stagnant des organismes de formation.« Dix millions de Français, tous secteurs confondus, se forment chaque année. En 2015, ils seront presque le double »,anticipe Jean Wemaëre, PDG de Demos et président de la Fédération de la formation professionnelle (FFP). Son pronostic : une hausse de 50 % des dépenses des entreprises d'ici à dix ans ! Hautement stratégiques, les fonctions communication et marketing devraient rapidement en bénéficier. Mais, pour l'heure, la réforme n'en est qu'à ses balbutiements.« L'individualisation des parcours peut vite tourner au casse-tête. Nous devons tricoter des programmes qui tiennent compte à la fois des projets d'entreprise à moyen terme et des désirs d'évolution de carrière de chaque salarié »,explique Soizic Bouju, responsable formation chez Prisma Presse. En septembre prochain, elle présentera à ses troupes un nouveau catalogue interne, élaboré avec quatre organismes spécialisés.« J'ai élargi la gamme des formations,détaille-t-elle.Certains stages sont davantage centrés sur l'évolution des techniques et d'autres, au contraire, plus éloignés des coeurs de métiers. »
Pour répondre à ces nouvelles attentes, les instituts spécialisés revoient leurs offres. Les poids lourds de la formation, comme la Cegos ou Demos, viennent d'étoffer leur programme d'une dizaine de nouveaux stages en marketing ou communication. L'année dernière, Édition Formation d'Entreprise etStratégiesont aussi musclé leurs stages et conférences thématiques. Même tendance chez les organismes spécialisés, comme l'Institut supérieur du marketing (ISM) ou le Centre de formation professionnelle des journalistes (CFPJ). Quant aux associations professionnelles, elles sont nombreuses à se renforcer sur le créneau, de l'Adetem (association française du marketing) à l'Union des journaux d'entreprises (Ujjef). Une multitude d'instituts spécialisés, par exemple sur les médias (Media Institute) et la grande consommation (LSA), se mettent également au diapason. Sans parler bien sûr des traditionnelles écoles (HEC, EM Lyon, ESC Rouen, etc.), dont les masters et autres séminaires en marketing ou communication ont plus que jamais la cote auprès des cadres.
Dans l'ensemble, les programmes techniques ou métiers suivent l'évolution des pratiques (mix marketing, scoring, géomarketing, etc.). Mais les instituts de formation développent désormais des offres transversales accessibles à d'autres fonctions (marketing pour non-marketeurs, communication RH, mécénat, etc.).

Individualisation et modularité

« La tendance est au décloisonnement, notamment entre le marketing et la vente, de plus en plus orientés vers les clients, la veille et l'analyse des résultats. Le constat est le même du côté des responsables communication, amenés à travailler davantage avec les autres services de l'entreprise pour assurer la cohérence des messages internes et externes »,constate Marie Ducastel, directrice générale d'EFE, propriétaire du CFPJ depuis 2003.
Les formations à la carte sont aussi en plein développement. Pour répondre aux différents accords de branche qui régissent désormais la formation, aux projets spécifiques des entreprises et surtout à la nouvelle liberté de choix octroyée aux salariés, les instituts proposent des dispositifs modulables et individualisés.« Les formats sont plus courts ou plus longs selon les attentes de chacun »,commente Marie Ducastel. Comme ses concurrents, EFE fragmente donc son offre. Par exemple : un stage de perfectionnement rédactionnel en cinq jours, proposé d'un bloc ou étalé sur deux sessions. En décembre dernier, la Cegos a lancé un catalogue spécial DIF d'une soixantaine de formations sous forme de modules de dix heures. Les contenus portent sur le marketing, la communication ou le management, mais visent aussi à répondre aux besoins des salariés en termes de culture générale et d'organisation de leur travail.« L'idée est d'individualiser un maximum nos catalogues pour que les salariés et leurs employeurs puissent compiler les modules, un peu comme un puzzle »,commente Nathalie van Laethen, responsable des stages marketing à la Cegos.
La tâche semble épineuse pour les employeurs, soucieux de ne pas faire exploser leur budget formation. Le coût induit par les vingt heures annuelles de DIF (pédagogie et rémunération), multiplié par le nombre de salariés, donne vite des sueurs froides !« Selon que la formation se déroule hors ou pendant le temps de travail, le prix de revient est différent pour l'entreprise »,souligne Rose-Lyse Brillon, responsable formation chez AOL, qui a suivi depuis novembre 2003 une dizaine de conférences sur les tenants et les aboutissants de la nouvelle loi. AOL n'est pas une exception.« De plus en plus d'entreprises nous sollicitent pour les accompagner dans la mise en oeuvre complexe de cette réforme »,explique Marie Ducastel, qui a vu les prestations de conseil d'EFE décoller de 30 % cette année. C'est aussi la spécialité de Novitec, filiale du groupe Adecco consacrée à l'ingénierie financière et pédagogique.« Il s'agir d'aider les entreprises à structurer et individualiser leurs formations à partir d'une stratégie sur mesure. Le tout financé par les fonds propres de l'entreprise ou ceux, mutualisés, des branches, selon les contenus et les publics visés »,explique Cyril Pattegay, directeur pédagogique chez Novitec. De quoi surtout permettre aux entreprises de garder la main en faisant notamment entrer le DIF dans leur plan de formation.« Ainsi, un médiaplanneur se verra proposer par sa direction de suivre une partie d'un stage sur son DIF, le reste sur le plan de formation »,anticipe Pierre-François Colleu, président de Média Institute, qui mise sur l'explosion des prestations « intraentreprises » destinées à une seule société.
Même constat pour Servane Duigou, responsable de l'offre pédagogique marketing et communication chezStratégies:« Si les formations interentreprises restent majoritaires, les employeurs sont de plus en plus demandeurs de stages cousus main. »Par exemple, Danone ne forme ses 932 cadres marketing qu'en interne.« C'est le moyen idéal pour mettre en place des cursus propres à nos problématiques, avec l'aide de nos opérationnels sur le terrain et de prestataires extérieurs »,assure Anne Mercier en charge des formations marketing, vente et recherche et développement. Dès 1997, le géant de l'agroalimentaire a institué des parcours individualisés à partir d'une large gamme de stages mêlant des séminaires en petits groupes et des enseignements à distance. Ailleurs, les responsables formation plébiscitent les stages mixtes entre présence effective (« présentiel ») et virtuelle (e-learning).« Un responsable marketing peut lire des documents sur l'intranet ou suivre des e-conférences, avant ou après les sessions. De quoi optimiser le temps investi pour élargir les publics ainsi formés »,observe Dominique Fougerat, directrice du développement des compétences chez SFR-Cegetel. Le phénomène n'a pas échappé à Demos, qui a lancé en octobre dernier demostraining.fr, un site d'e-learning permettant aux stagiaires de se constituer une bibliothèque d'autoformation.
Autre tendance : la recherche d'efficacité.« Fini les formations cosmétiques ! Les enjeux financiers sont trop importants »,lance Dominique Fougerat, chez SFR-Cegetel. Pour éviter les erreurs d'orientation et améliorer le retour sur investissement, les organismes mettent en place des dispositifs d'accompagnement des stagiaires en amont et en aval des stages (quiz, contacts téléphoniques avec les formateurs, livrets d'accompagnement). Mi-juin, la Fédération de la formation professionnelle a même lancé une nouvelle certification des stages pour garantir la qualité des prestations. Côté pédagogie, les entreprises valorisent davantage les études de cas réels que les cours théoriques. Procter&Gamble en a fait sa marque de fabrique.« Neuf stages sur dix sont dispensés par des formateurs internes, tous managers opérationnels. De quoi favoriser une pédagogie qui part d'abord de l'expérience du terrain pour formaliser de bonnes pratiques »,explique Sophie André, responsable française des formations, avant de préciser que l'entreprise ne recrute que des jeunes diplômés qu'elle fait évoluer au sein du groupe. À l'instar de Procter&Gamble, favoriser les promotions internes devrait être le prochain défi des employeurs. Une fois formé, quel salarié ne souhaiterait pas en profiter pour évoluer ?
En savoir +
>Le Guide des organismes de formation continue, par Martine Doriac, Les Éditions du management, 49 E.
>Manager la formation après la réforme, par Alain-Frédéric Fernandez et Franck Savann, ESF, 23 E.
>Formation professionnelle : le guide de la réforme, de Christophe Parmentier et Philippe Rossignol, Édition d'organisation, 22 E.
>Sites d'information sur la réforme : www.dif.demos.fr, www.observatoiredelareforme.org.
>Sites d'organismes spécialisés : www.adetem.org, www.cegos.fr, www.cnof-formation.com, www.demos.fr, www.efe.fr, www.em-lyon.com, www.essec.fr, www.hec.fr, www.ism.fr, www.lsa.fr, www.media-institute.com, www.novi tec.fr, www.strategies.fr, www.ujjef.com.