2001, l'odyssée de l'emploi

Description

Éric Brac de la Perrière ne sait plus où donner de la tête. Dans son bureau de l'avenue de l'Opéra, dans le 1er arrondissement de Paris, le président de l'agence de communication pour l'emploi The Link enchaîne réunions et rendez-vous, interrompu en permanence par les coups de téléphone.«En matière de recrutement, l'année 2000 a été complètement folle,explique-t-il, un oeil rivé sur la messagerie de son ordinateur portable.Tous les secteurs sans exception ont été touchés, y compris celui de la communication.»Son agence n'a-t-elle pas connu, pour la troisième année consécutive, une croissance record de 60% (à 35millions de francs de marge brute) et porté ses effectifs de 35 à 54personnes... au point d'être contrainte de trouver rapidement de nouveaux locaux? Cet exemple symbolise parfaitement la situation. En 2000, les entreprises ont été prises de court. Entre la croissance économique, la mise en place des 35heures et le développement des start-up, le turn-over s'est accéléré à une telle vitesse qu'elles ont été littéralement débordées et ont dû recruter dans l'urgence.«Dans certaines agences de publicité, le turn-over a flirté avec les 50%», affirme Didier Pitelet, Pdg de l'agence de communication pour l'emploi Guillaume Tell (groupe Publicis). Les statistiques de l'Espace emploi communication sont édifiantes: en un an, les offres d'emploi ont augmenté de 18,5%, alors qu'elles avaient été stables en 1999. Les postes les plus recherchés? Les maquettistes, les attachés de presse, les commerciaux supports, les chefs de fabrication, les directeurs artistiques et les spécialistes du marketing direct.«Malheureusement, nous avons eu du mal à trouver des candidats, car la plupart sont déjà en poste», souligne Régine Alvarez, directrice de l'Espace emploi communication. Cette pénurie a bien sûr fait le bonheur des cabinets de recrutement et des agences d'intérim (lire p. 55), mais elle a surtout inversé le rapport de force entre les candidats et les entreprises. Pour attirer les meilleurs profils, ces dernières doivent être séduisantes et faire preuve d'imagination (lire rubrique Carrières p. 58). À défaut, elles se tournent à nouveau vers les jeunes diplômés - qui mettent désormais moins de trois mois pour trouver un emploi dans la communication, contre plus de six mois en 1999 -, voire redécouvrent les mérites des professionnels de plus de 45ans.«La guerre des talents n'en est qu'à ses débuts», note le responsable du recrutement d'un grand groupe de presse, qui garde jalousement le secret sur ses perspectives d'embauche en 2001.Silence stratégiqueAussi surprenant que cela puisse paraître, agences de publicité et médias se refusent en effet à communiquer la moindre information sur leurs futurs plans de recrutement. Pour certains, ce silence relève du choix stratégique: en clair, les informations sur la communication de recrutement d'une entreprise doivent être tenues secrètes, car elles traduisent sa stratégie de développement. Pour d'autres, en revanche, cela s'explique par la spécificité du secteur:«Nous ne sommes pas dans l'industrie, qui programme tout à l'avance,explique par exemple Frédérique Cartalas.Nos embauches se font davantage au coup par coup, en fonction des besoins du moment.»La responsable du recrutement de l'agence BBDP/TBWA reconnaît néanmoins qu'après avoir«colmaté les brèches»l'an dernier, elle continue à rencontrer des candidats pour se constituer un vivier et ne plus être prise au dépourvu.«Aujourd'hui, une agence ne peut pas laisser passer une compétence multiculturelle», ajoute Éric Brac de la Perrière. Seule certitude, le premier semestre 2001 s'annonce excellent. Poussés par la croissance du marché publicitaire, les médias fourmillent de projets: entre les lancements de magazines en presse, notamment dans le secteur de la nouvelle économie, et les nouvelles chaînes de télévision (TF1 et M6 ont créé fin décembre la chaîne thématique TF6), les possibilités d'emploi sont nombreuses. Sans compter la croissance interne - ainsi la refonte, au premier trimestre 2001, duFigaro économiepourrait-elle entraîner une douzaine d'embauches - et le développement des activités Internet. Autre signe des temps, à la différence des années précédentes, les entreprises n'ont pas réduit leurs investissements en fin d'année, comme le démontrent les 10000offres d'emploi publiées parLe Figarole 11décembre dernier. Au contraire, souligne Didier Pitelet, les budgets de communication emploi vont encore s'accroître en 2001, pour dépasser les 20millions de francs dans certains cas. Selon lui,«le salut, surtout pour les agences, passe par le recrutement afin de redonner aux salariés de la sérénité dans la relation clients.»Que demande le peuple?