Booba, Aya Nakamura, Maître Gims… Depuis 2005, Fabrice Fournier aka Fournier occupe une place de choix dans l’industrie du rap français en réalisant plusieurs centaines de pochettes d’album. Passionné par les arts plastiques et le dessin, le trentenaire originaire de Seine-et-Marne intègre une école d’arts appliqués pour «maîtriser le dessin, les notions de charte graphique et la création d’un logotype», précise-t-il. Son stage de fin d’année en 2001 au sein de l'ancien magazine Radikal, considéré comme «le graal pour tout graphiste passionné de rap», lui permet de côtoyer le gratin du milieu du hip-hop. Entre deux scans, Fifou se faufile dans les couloirs de la radio Génération, dont les locaux étaient partagés avec celui du magazine. 2005 marque le point d’orgue de sa carrière, puisqu’il réalise sa première photo en studio pour l’artiste Kool Shen (pour le morceau L’Avenir est à nous).
Face aux nouveaux codes marketing imposés par le rap français depuis l’arrivée du streaming, Fifou conçoit l’identité visuelle en priorité pour le digital. «La pochette d’un album est un peu le fer de lance de tout le projet marketing et doit être déclinée au mieux sur différents supports. Désormais pour moi, une pochette qui marque la rétine doit être minimaliste et composée d’un message fort, compréhensible à la première lecture», soulève-t-il.
Sombre et poétique
Le directeur artistique et photographe démarche des artistes, mais répond principalement à des appels d’offres lancés par des labels ou maisons de disques. S’il dit assumer sa casquette de photographe urbain, il ne s’interdit pas de shooter des artistes d’autres secteurs, mais aussi des acteurs, des marques et des humoristes, dont dernièrement Ary Abittan. Le résultat des pochettes est le fruit de plusieurs échanges avec l’artiste et son label ou sa maison de disques, mais certains rappeurs comme Kalash Criminel (pour l'album Sélection naturelle) lui ont laissé carte blanche.
Inspiré par le ton des morceaux interprétés, Fifou incorpore les artistes dans des décors percutants. Sa patte artistique est à la fois sombre et poétique. «Visuellement, je suis inspirée par l’urbain sans vie, la ruine, la saleté, les textures au mur et les patines.» La pochette de l'album Imany de Dinos illustre cette ambiance. Fifou réalise entre six et sept pochettes par mois en une quinzaine de jours. Un rythme intense qui lui demande d’être dans «une boulimie visuelle en continu». Son projet le plus fou dans le milieu du rap ? «Avoir réussi à imposer à un artiste comme Alkpote, et à son label, de le plonger dans une vulve géante.» Il fallait oser.
@misterfifou (Instagram)