Dans la culture, l’intermittence attire moins qu’avant. Interview de Thierry Teboul, directeur général de l’Afdas, opérateur de compétences des secteurs de la culture et des médias.
Comment se portent les intermittents des industries culturelles et créatives (ICC) ?
THIERRY TEBOUL. Il y a un climat ambivalent dans la culture aujourd’hui. D’une part, une forme d’euphorie à l’idée que les festivals reprennent, que les créations soient de nouveau diffusées. D’autre part, une angoisse du retour de la crise sanitaire et, ce qui est assez nouveau dans le champ de la création, une tension sur le marché du travail. La crise a laissé des traces. Des professionnels ont connu une crise des vocations. Le contexte leur a peut-être ouvert d’autres voies. De leur côté, les employeurs ne trouvent pas toujours les gens dont ils ont besoin. Selon nos premières estimations, sur 110 000 ayants droit à l’Afdas (sur 200 000 intermittents de la culture), 7000 manquent à l’appel. Cette baisse est une première. Ce tournant pose la question de la désirabilité du métier. Avant, c’était un métier passion, marqué sociologiquement voire endogame. Cette désaffection oblige les employeurs à revoir leurs stratégies.
Quelles sont les difficultés des intermittents ?
Financièrement, ils n’ont pas vraiment perdu car en année blanche, ils n’avaient pas l’obligation de réaliser leurs heures habituelles pour toucher leurs revenus [au moins 507 heures travaillées sur douze mois], à peu près assurés par l’État. En revanche, ce qui a affecté les personnes, c’est le fait de ne pas travailler. Ce monde fonctionne beaucoup par cooptation, par affinités électives. Ces modalités de mise au travail empêchent un redémarrage spontané. Sans compter que le retour du public ne va pas de soi…
Qu’en est-il pour les intermittents de l’audiovisuel ?
L’audiovisuel a été moins touché par la crise car on a continué de produire - pas forcément de distribuer - dans l’audiovisuel de flux. Il n’a plutôt pas pâti de la situation voire a bénéficié de la désaffection du spectacle vivant pour celui enregistré. Quant à la fiction, c’est une économie linéaire. Quand Plus belle la vie s’arrête, Un si grand soleil continue. Les cycles de vie des fictions sont inéluctables mais il y a une demande du public pour ces productions.
Quand vous rencontrez les intermittents des ICC, quels besoins expriment-ils ?
L'e-learning était un repoussoir pour le spectacle. Maintenant que l’activité a repris et qu’il y a même une tension sur le marché, on observe une plus grande adhésion à ce type de formations à distance. Il y a aussi une prise de conscience qu’il faut élargir son spectre d’intervention. Nous enregistrons plus de demandes sur des formations polyvalentes. Parmi les 7000 dont on parlait, certains ont découvert qu’il est plus confortable de travailler dans le spectacle enregistré. La question de l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle se pose davantage.
Comment se profilent les festivals de l’été ?
Il y a une tension sur l’emploi que l’on devrait réussir à dépasser en travaillant plus, en surfant sur l’euphorie de la reprise. Cela fait d’ailleurs augmenter le coût de la journée dans les festivals. Ensuite, il faudra se poser les vraies questions. Celles de savoir comment recruter demain dans le secteur, réinventer une forme d’attractivité. Une piste est d’aller chercher d’autres populations, ceux qui se censurent. Pourquoi est-ce que la culture ne deviendrait pas aussi attractive que le bâtiment pour le métier d’électricien, par exemple ?