Le mix de panneaux traditionnels et numériques a le vent en poupe, au nom de la complémentarité. Mais est-ce une approche opportune ou une tendance réelle des annonceurs ?
Avec une croissance de 44,1 % en 2021 contre « seulement » +21,6 % pour l’affichage en général, les écrans numériques ont confirmé l’intérêt qu’ils pouvaient revêtir pour les annonceurs… et surtout pour les opérateurs. D’où leur tendance à intégrer des panneaux numériques dans leurs dispositifs commerciaux, et ce, d’autant que la marge de progression est encore importante.
Selon Kantar Media, les annonceurs ont investi plus de 440 millions d’euros bruts dans la communication extérieure au premier trimestre 2022, dont seulement 9,2 % de dépenses publicitaires dans le DOOH, soit 40,5 millions d'euros bruts. Premier annonceur en affichage avec près de 5,45 millions bruts au global, Disney a consacré près de 15 % aux panneaux numériques (833 kiloeuros bruts). Seuls deux des principaux annonceurs, Meta (969 kiloeuros environ) et Delica (500 kiloeuros environ), ont uniquement dépensé dans le DOOH. Des secteurs comme l’automobile, la restauration rapide ou une marque telle que Schmidt vouaient même l’essentiel aux panneaux traditionnels.
Couvrir le parcours voyageur
Les deux supports s’avèrent toutefois complémentaires. « Les mixer permet de mieux couvrir le parcours voyageur, explique Eric Merklen, directeur général marketing de Mediatransports. Un plan DOOH couplé à un plan OOH en national en gare entraîne un gain de +25 %. » D’ailleurs, la tendance est ancrée depuis plusieurs années chez les annonceurs de Metrobus. Selon la directrice générale commerce, Valérie Deltour, 42 % misent sur les deux supports, par exemple Sephora, Fnac, Amazon dans la distribution, mais aussi Air France, Disney… « Dans les gares, les campagnes mixtes sont en forte hausse. Les écrans complètent également une histoire qu’on raconte aux voyageurs dans des dispositifs événementiels », ajoute Eric Guerrero, directeur général commerce de Mediagares, se référant à celui déployé Gare de Lyon pour la sortie du film Le Secret de la cité perdue. L’évolution est d’autant plus nécessaire qu’il existe un plan de réduction des panneaux sur trois ans dans les gares, au profit de 3 000 mobiliers publicitaires numériques.
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« La tendance générale consiste à bâtir des dispositifs alliant la puissance du mobilier urbain et le ciblage du digital », observe Jean Muller, directeur général commerce et développement de JCDecaux. C'est le cas par exemple de la campagne pour la bière sans alcool d’Heineken en janvier 2021, déployée sur un réseau national en 2 m2, complété par des écrans sur les points de vente Monoprix et Carrefour Proximité. « Elle a permis d’accroître de 19 % l’efficacité sur les ventes dans les magasins couverts par le mix », annonce Alban Duron, directeur marketing chez JCDecaux. Selon lui, « une multiplicité de combinaisons est possible, qui ont l’avantage d’apporter des performances en amont et de l’efficacité en aval. » Le DOOH s’inscrit dans le prolongement de l’OOH, d’après ExterionMedia. « Il est naturel de faire un mix entre le grand format à la périphérie des villes et les écrans dans le cœur urbain », estime le responsable marketing client Ronan Guillerm.
Couplage commercial
« Quand on est en exclusivité, cela marche sans le print », nuance Caroline Mériaux, directrice marketing et communication de Clear Channel France, qui exploite le numérique dans les centres commerciaux Unibail depuis de longues années. « Le mix est surtout vrai dans la rue, où on suit une audience en déplacement », ajoute-t-elle. Pour un opérateur 100 % digital comme In-Store Media, installé dans les hypermarchés E. Leclerc et Géant, « il s’agit plus d’un couplage commercial que de deux supports naturellement complémentaires, estime le CEO Romain Dublanche. Le DOOH est un outil de répétition contextualisée des messages des marques, il permet de raconter une histoire à une audience identifiée. » Pour son directeur marketing Hugo Domenech, « la complémentarité réside davantage avec la TV ou internet. » OOH et DOOH sont mêmes deux activités différentes, à entendre Sébastien Romelot, PDG de Phenix : « Avoir les mêmes annonceurs est plutôt rare. Si tel est le cas, c’est souvent pour des campagnes différentes. » C'est pourquoi Phenix continue d’ailleurs à faire cohabiter deux régies, DOOH et OOH.
« Cette approche a déjà quelques années, même si de nouvelles offres mixant les deux ont été lancées en 2022 chez Clear Channel ou Mediagares, note Diariata Anne, directrice OH d’IPG Mediabrands. L’avantage pour une agence média est d’avoir ainsi des interlocuteurs dédiés dans les régies. » Preuve de l’intérêt du marché, les campagnes mix ont généré +19 % de chiffre d'affaires et font venir de nouveaux clients. Et elles permettent d’avoir des approches plus pertinentes. « Les marques attendent une expertise multi-leviers, qui porte sur l’OOH, le DOOH et l’événementiel », relève Michaël Henry, responsable OOH de Dentsu.
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L’approche DOOH-OOH n’est cependant pas systématique. « Elle dépend de ce qui est recherché, précise Xavier Sorato, directeur général de Poster Conseil (GroupM). Les produits mix sont surtout des offres OOH auxquelles les opérateurs associent du digital en complément pour les performances et ciblages supplémentaires qu’ils apportent. Mais, avec ses 55 000 écrans numériques, dont 6 000 sont en extérieur et 49 000 en univers clos, il donne une impression de dynamisme. »
Interdit d’interdire ?
L’affichage numérique ne représentait l’an dernier qu’un peu plus de 16 % de la publicité extérieure en France, contre 22 % dans le monde. Mais surtout, « une part largement inférieure à celle constatée dans des pays comme le Royaume-Uni, où le digital constitue 75 % du business », déplore Stéphane Dottelonde, le président de l'Union de la publicité extérieure, le principal syndicat. « La France est le pays le plus restrictif en la matière, estime-t-il. Les panneaux numériques sont interdits à Paris, à Lyon, à Rennes… alors qu’ils sont moins polluants, qu’ils consomment peu avec les règles d’extinction des dispositifs la nuit… » Si le représentant de la profession compte sur une concertation avec les collectivités pour faire changer la situation, « il est juridiquement injustifié de les proscrire sur tout le périmètre d’une agglomération. Et on interdit ainsi à tout un secteur d’évoluer vers la transition numérique. »