Démarrage contrasté sur les marchés: la scission du géant français des médias et de l'édition Vivendi, effective depuis lundi 16 décembre, s'est traduite par la cotation de trois nouvelles entités à Londres, Amsterdam et Paris, dont Canal+ en recul.
Introduit en fanfare au London Stock Exchange, le groupe Canal+ a fini la journée, lundi 16 décembre, en chute de près de 22%. Cette entrée en matière a été jugée décevante mais était en partie attendue par les analystes. Havas (communication) est resté stable à Euronext Amsterdam, tandis que Louis Hachette Group (qui regroupe Hachette Livre, numéro 1 français du secteur, Relay dans la distribution, et des médias tels Europe 1, JDD, Voici, Géo...) a grimpé de 27% à Paris sur le marché Euronext Growth, régulé mais non réglementé.
Toutefois, cette première journée n'est pas nécessairement représentative pour ces sociétés, qui gardent le milliardaire Vincent Bolloré comme actionnaire de référence. Maxime Saada, patron de Canal+, avait dit en amont ne pas s'attendre à « un chemin pavé de roses les premières semaines, les premiers mois » sur les marchés. « Le succès » sera à mesurer « d'ici deux à trois ans », a-t-il établi dans Le Figaro.
Holding vidée
La holding Vivendi, qui demeure en Bourse à Paris, a pour sa part bondi de 42% par rapport à son cours d'ouverture. Elle va continuer de gérer diverses participations minoritaires ainsi que l'éditeur de jeux vidéo Gameloft, détenu à 100%.
Pour une action Vivendi détenue avant scission ont été allouées une action Canal+, une Havas et une Louis Hachette Group, et l'action Vivendi est conservée. A terme, Vivendi devrait sortir du CAC 40 en raison de la baisse mécanique de sa valorisation.
Une première étape avait été franchie haut la main le 9 décembre, une semaine avant l'introduction en Bourse: le projet de scission avait été plébiscité par les actionnaires, à plus de 97%. Selon le président du directoire, Arnaud de Puyfontaine, « un nouveau chapitre de son histoire » s'ouvre pour Vivendi, qui comptait quelque 73.000 employés fin 2023.
Pourquoi cette opération, annoncée il y a un an? Le cours du groupe « ne reflétait pas la véritable valeur de ses actifs », a rappelé Yannick Bolloré, fils de Vincent Bolloré et président du conseil de surveillance de Vivendi, ce qui constituait « un handicap pour nos actionnaires et pour le développement de nos activités ».
Lundi en fin de journée, la valorisation totale de Canal+, Havas, Louis Hachette Group et de la holding était sensiblement la même que vendredi soir à la clôture, autour de 8,6 milliards d'euros. Il n'y a donc pas à ce stade d'« explosion de valeur », note un gérant de portefeuilles. Le pari, pour le groupe, est que la somme des quatre valeurs indépendantes va monter.
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Fin octobre, Yannick Bolloré avançait une valorisation de l'ensemble « autour de 16 milliards » d'euros, dont 6,8 milliards pour Canal+, 3,4 milliards pour Havas, 2,1 milliards pour Louis Hachette Group et 4,5 milliards pour Vivendi.
L'opération « n'apporte aucune certitude », considérait pour sa part la société de gestion Phitrust en novembre. Devant les actionnaires, les dirigeants de Vivendi ont défendu leur choix, affirmant qu'il n'y avait pas d'alternative. Ainsi, pour Canal+ à Londres, « la stratégie est clairement d'emmener le groupe vers l'international » et de permettre une « visibilité accrue sur les marchés anglophones », a souligné Yannick Bolloré.
Deux tiers des abonnés sont déjà hors de France et cette proportion a vocation à s'accroître avec l'offre publique d'achat lancée sur le géant sud-africain de la télévision MultiChoice.
« Taille critique »
Canal+ a atteint « une taille critique, avec 27 millions d'abonnés dans plus de 50 pays et nous en visons 50 à 100 millions dans les prochaines années », selon Maxime Saada.
Concernant Havas, la place d'Amsterdam a été sélectionnée pour la possibilité d'y créer une fondation permettant de l'abriter d'une éventuelle OPA hostile et ainsi de rassurer ses équipes. Les sièges sociaux restent en France, sauf celui d'Havas. Les sociétés seront toutes résidentes fiscales françaises.
La scission a fait bondir certains petits actionnaires: ils craignent d'y perdre et de voir Vincent Bolloré, qui a pris la tête de Vivendi depuis 2014, renforcer son contrôle. Le groupe Bolloré détenait jusqu'à lundi 29,9% de Vivendi, et va atteindre environ 31% dans les nouvelles entités. Il pourrait monter aisément dans les prochains mois dans Havas et Louis Hachette Group, d'après des observateurs financiers.
Le fonds activiste CIAM (0,025% du capital de Vivendi) poursuit ses recours en justice pour obtenir l'annulation de la scission, qui selon ses responsables « contourne la loi sur les offres publiques d'achat obligatoires ».