Le procès de deux ex-dirigeants du Canard enchaîné, ainsi que d’un ancien dessinateur et sa compagne, soupçonnés d’abus de biens sociaux au préjudice de l’hebdomadaire satirique, s’ouvre mardi 8 octobre à Paris.
Un comble pour l’hebdomadaire satirique qui fut à l’origine des révélations sur l’emploi fictif de Penelope Fillon. Pendant quatre jours, Michel Gaillard, président du Canard de 1992 à juillet 2023, Nicolas Brimo, qui lui a succédé, l’ancien dessinateur André Escaro et sa compagne Edith Venderdaele, seront jugés par la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris.
Ils devront répondre d’abus de biens sociaux ou recel de ce délit, déclaration frauduleuse pour obtenir une carte de presse, faux et usage de faux et déclaration frauduleuse à un organisme social. Leurs avocats veulent toutefois demander le report du procès en raison des problèmes de santé de Nicolas Brimo, 73 ans, et André Escaro, 96 ans, a appris l’AFP de sources concordantes.
L’affaire éclate en mai 2022. Christophe Nobili, l’un des journalistes du Canard enchaîné à l’origine des révélations sur les emplois fictifs de l’épouse de François Fillon pendant la campagne présidentielle 2017, porte plainte contre X. Il dénonce le fait que la compagne d’André Escaro, dessinateur et ex-administrateur du Canard, aurait bénéficié pendant 25 ans d’une rémunération du journal sans y avoir travaillé.
« Une contribution morale »
Selon un rapport de synthèse de juillet 2023 de la brigade financière, révélé par Mediapart et dont l’AFP a eu connaissance, André Escaro a expliqué aux enquêteurs qu’une fois parti à la retraite en 1996, il avait continué à envoyer chaque semaine des dessins et qu’il s’était mis d’accord avec les dirigeants du journal pour que sa compagne, qui lui apportait « une contribution morale et technique à la préparation des caricatures », soit rémunérée par le journal.
Or, « la seule action tangible » ressortie des investigations est que Edith Vanderdaele a transmis les dessins « chaque semaine par fax ou par mail au Canard enchaîné », précise le rapport. Le préjudice a été évalué à près de 1,5 million d’euros entre 2010 et 2022, période retenue par les enquêteurs, les faits commis avant 2010 étant prescrits. Contactés par l’AFP, les avocats de la défense n’ont pas donné suite.
« Les manœuvres des anciens dirigeants ont occasionné plusieurs millions d’euros de préjudice pour le Canard, et surtout ont fait peser un risque sur sa crédibilité », a déclaré à l’AFP Me Pierre-Olivier Lambert, qui défend Christophe Nobili avec Me Maria Cornaz Bassoli. Cette affaire, racontée par Christophe Nobili dans Cher Canard (JC Lattès), a provoqué une profonde crise interne dans ce titre centenaire, célèbre pour ses calembours, ses caricatures et les nombreux scandales politiques et économiques qu’il a dévoilés.
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