En se portant candidat à la reprise de la fréquence TNT de M6, le fondateur de Free espère peser de tout son poids dans le monde de la télévision. Non sans arrière-pensée.
Il avait du mal à ne pas trépigner d’impatience lors du discours du président Roch-Olivier Maistre, au vœux de l’Arcom, le 23 janvier. Xavier Niel va pourtant devoir s’y faire. Une candidature à une fréquence TNT nationale, face à un acteur historique comme M6, demande du temps. Or les délais sont « extrêmement contraints », a dit François Sureau, en présentant avec Maxime Lombardini, vice-président d'Iliad, l'intérêt de NJJ Médias en novembre à l’Arcom. Alors que l’autorisation de M6 prend fin le 5 mai, l'avocat a demandé un mois supplémentaire pour finaliser son offre de candidature. Pour autant, n'y a-t-il pas plus prévisible que le calendrier de reconduction d’une fréquence ? Niel aura du mal à faire croire qu’il a été pris de court.
Sauf si son but n’est pas tant de décrocher cette fréquence que de jouer opportunément les agitateurs du PAF face à des acteurs installés. C’est en tout cas ce qu’on comprend à M6 où l’on rappelle que le canal 19 de France O est libre, que Niel était déjà au tour de table de Numéro 23, la fréquence vite revendue 88 millions d’euros par Pascal Houzelot pour devenir RMC Story. Sans oublier qu’en cas de victoire, Niel ne pourrait en aucun cas récupérer le moindre animateur de M6, la chaîne continuant à émettre auprès de 70 à 80% de son audience sans sa fréquence TNT. Ou que le chiffre d'afffaires de M6, qui subirait les effets d'une perte de fréquence, est ce sur quoi sont assises les obligations du groupe vis-à-vis de la filière créative. Rien à voir avec le taux de marge opérationnelle du groupe, réputé très élévé (24,9% en 2021) que le propriétaire d'Iliad fustige comme étant un signe du manque d'investissement dans les programmes.
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L’intérêt de Niel pour la télé n’est pas une surprise. Co-actionnaire de Mediawan, qui produit C dans l'air, C à vous, le film Bac Nord ou la série Dix pour cent, il cocontrôle aussi avec cette société de production d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires 19 chaînes issues du groupe AB (RTL9, AB Moteur, Toute l'Histoire...). Le milliardaire a en outre été deux fois candidat au rachat de M6 en 2022 et s’est positionné via le groupe Le Monde pour un rachat d’ITélé, en cas de revente par Bolloré en 2016. Emmanuel Paquette, coauteur de Xavier Niel, la voie du pirate (éd. First), rappelle que son fils aîné, Jules Niel, est administrateur du fonds de dotation qui contrôle le groupe Le Monde (Le Monde, L'Obs, Télérama, La Vie...) et qu'il s'intéresse aux médias. Quant à la holding NJJ Presse, on la retrouve dans Nice Matin, France Antilles ou Paris Turf.
Sur le dossier «Six», la reprise d'une fréquence historique présente l'avantage d'être une procédure rapide devant l'Arcom. « Le rachat de M6 aurait été un dossier long car l’Autorité de la concurrence y aurait vu un problème d’intégration verticale à travers la distribution (Free) et la production (Mediawan) », note-t-il. Un souci que n'a pas un CMA-CGM, qui vient justement de prendre 5% du groupe M6.
Relèvement des obligations
Certes, Xavier Niel est un « candidat sérieux », comme dit Pascal Rogard, directeur général de la SACD, qui l’a reçu plusieurs fois à déjeuner ou à dîner. Maxime Lombardini, un ancien de TF1, a promis à l’Arcom une « nouvelle dynamique » avec une « offre délinéarisée beaucoup plus forte », des « fictions inédites en prime time », des « relations de confiance avec les producteurs indépendants » en privilégiant moins la production interne…Il s'agit aussi d'assurer une large place à l'information, au débat et à « la création musicale », à l'origine de la création d'une sixième chaîne. Pourtant Pascal Rogard considère lui-même peu probable que l’Arcom choisisse de déstabiliser le système audiovisuel, avec la casse sociale que cela impliquerait. « Mais, ajoute-t-il, il ne peut pas y avoir de gros écart dans les engagements car il sera alors compliqué d’écarter d’un revers de main Xavier Niel. »
Autrement dit, alors que TF1 vient de s’entendre avec toute la filière de la création audiovisuelle pour porter de 12,5% de son chiffre d’affaires ses obligations de financement patrimonial, M6 aura du mal à s’en tenir aux 11,5% acceptés pour l’heure par les producteurs de flux. « Niel pourrait être au-dessus », note-t-il. Pourquoi pas 13% ? S’il est mieux disant, il aurait tôt fait de saisir le conseil d’État face à M6.
En attendant, il se sera pré-positionné auprès de l’Arcom pour les reconductions des fréquences TNT en 2025, notamment NRJ 12 ou… les chaînes de Bolloré C8 et Cnews sous le coup de plusieurs mises en demeure et sanctions. Mais, officiellement, NJJ assure qu'il n'envisage « pas de renouveler son intérêt en 2025 lors d'autres appels aux candidatures sauf pour compléter son portefeuille de chaînes en cas de succès lors de la procédure en cours ».
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