S'inspirant des techniques de marketing politique importées des États-Unis, notamment celles de John Fitzgerald Kennedy, Valéry Giscard d'Estaing s'est essayé, avec plus ou moins de succès, à de nombreux coups de communication afin de moderniser la vie politique.
«Un Français comme les autres»
En 1964, alors ministre des Finances, VGE ose apparaître à la télé en pullover. On le voit ensuite regagner son ministère en métro, en présence de photographes.
Neuf ans plus tard, il joue de l'accordéon en chemise à carreaux et participe, en short et crampons, à un match de football à Chamalières (Puy-de-Dôme), dont il est le maire. «Un ministre des Finances, c'est un Français comme les autres», lâche-t-il alors. En plus, il marque un but !
Pour la campagne de la présidentielle de 1974, il sollicite un «communicant» - un métier appelé à un grand avenir - Jacques Hintzy, de l'agence Havas-Conseil, dont le mantra est: «on élit un homme, pas un programme».
Proche de l'instantané, sa photo de campagne ringardise l'affiche classique. VGE, assis au côté de sa fille cadette Jacinte, alors âgée de 13 ans (cette dernière est décédée en 2018), semble parler tandis que, tournée vers lui, elle l'écoute. Au dessus, le slogan: «La paix et la sécurité». C'est la première fois qu'un ministre s'affiche avec un membre de sa famille pour une campagne présidentielle.
Autre coup de com' fameux: les tee-shirts de jeunes militants lors de la campagne présidentielle de 1974, arborant fièrement le slogan «Giscard à la barre» (voir photo ci-dessus).
L'image d'un homme actif
Désireux de «décrisper» la société, le président élu, à l'époque âgé de 48 ans, commence par remonter les Champs-Élysées, non en jaquette et limousine, mais en complet-veston et à pied. Il ébauche un sourire, encore une première, pour sa photo officielle de président prise par Jacques-Henri Lartigue.
Il tient à donner l'image d'un homme accessible et actif. Fin 1974, il se laisse photographier dans une piscine en Martinique, lors d'une rencontre avec le président américain Gerald Ford.
Lors de Noël 74, il invite les éboueurs de la rue du Faubourg Saint-Honoré à un petit-déjeuner à l'Élysée puis, durant son septennat, va dîner chez des Français (un encadreur, un pompier et leur famille etc.). Il accompagne au piano Claude François qui chante «Douce nuit» à l'arbre de Noël de l'Elysée en 1975, et associe la même année son épouse Anne-Aymone aux voeux du Nouvel an, initiative non renouvelée.
Quand il skie à Courchevel (Savoie), des dizaines de journalistes le suivent. En plein été 76, les Français le découvrent en train de nager devant le fort de Brégançon (Var), presque comme Monsieur Tout-le-Monde ! En 1978, en short et tout de blanc vêtu, il fait la une de Tennis magazine, raquette à la main.
Mais il se garde bien de communiquer sur d'autres loisirs, comme sa passion pour la chasse, voire les safaris. Les photos le montrant en train de chasser ne sont pas nombreuses.
Par ailleurs, il décide en 1977 - expérience qu'il ne renouvellera pas - d'ouvrir l'Élysée au public. On dit que, ce jour de juillet, il serre la main de 2 000 personnes par heure... Le socialiste Jack Lang, avec ses Journées du patrimoine, reprendra l'idée à partir de 1984.
Rupture de style
Cette communication peut paraître timide par rapport aux pratiques d'aujourd'hui mais elle marque une vraie rupture, après les présidences conservatrices de Charles de Gaulle et Georges Pompidou.
Président intégrant les codes de son époque, VGE «anticipe ce que sera le style présidentiel du 21e siècle et, en cela, il est quelqu'un d'innovant», selon l'historien Jean Garrigues sur le site Atlantico.
Pourtant, cette stratégie a montré ses limites car elle n'a jamais permis de rapprocher des classes populaires le président surdiplômé aux manières d'aristocrate. Et ses opposants politiques lui ont reproché d'affaiblir la fonction présidentielle avec ces «gadgets».
«Largué en 1974, François Mitterrand prendra sa revanche en 1981. Le marketing politique est entré dans les mœurs, le concepteur de la campagne du leader socialiste sera Jacques Séguéla», a rappelé l'historien Michel Winock dans la revue L'Histoire en 2017.