Après le père et le fils, Lagardère doit-il compter sur le Saint-Esprit pour conserver les derniers pans de son empire ? L’Assemblée générale du 5 mai sera décisive pour déterminer l’avenir de la commandite exercée par Arnaud Lagardère. Avec près de 18 % du capital, le fonds Amber Capital est résolu à évincer le dirigeant auquel il reproche « des performances économiques très en dessous de la moyenne » et des investissements hasardeux, par exemple dans le sport. Autour de Patrick Sayer et de Brigitte Taittinger-Jouyet, qui briguent une place au conseil de surveillance, le fonds défend le maintien du périmètre du groupe face au démantèlement qui se profile avec l’entrée de deux chasseurs à l’affut : Vincent Bolloré, qui a pris 10 % du capital, selon Le Monde, et Marc Ladreit de Lacharrière (Webedia), à 3,5 %. Le premier a des synergies naturelles à développer avec ses médias (Canal+), voire l’édition (Editis). Et le second lorgnerait les salles de spectacle Casino de Paris ou Bataclan…
Des activités fortement impactées par la crise
Au cœur des critiques, la gouvernance exercée par Arnaud Lagardère dont les actions (7,3 % du capital) nantissent la dette contractée entre 2004 et 2008 via sa holding personnelle pour assurer sa position dans la commandite. Si la dette affichée en 2019 dans Le Point n’est plus que de 164 millions d’euros, il n’est pas sûr que l’héritier soit en mesure d’y faire face. « Le Crédit agricole [le créancier] a devant lui un cas délicat, les règles bancaires doivent être respectées pour qu’il n’y ait pas de soutien abusif », rappelle Jean-Clément Texier, président de la Compagnie financière de communication. Alors que le groupe a renoncé à verser des dividendes, ses deux principales branches, l’édition (Hachette) et le travel Retail (Relay et points de vente) sont à l’arrêt du fait du coronavirus. Et si la vente de livres peut retrouver ses revenus en différé, ce n’est pas le cas des activités dans les gares et les aéroports, fortement impactées par la crise. Quant aux médias (Europe 1, Paris Match, JDD), ils subissent de plein fouet l’effondrement publicitaire. « Arnaud Lagardère est dans un corner, il n’a plus les résultats qui lui permettent de rembourser sa dette », assure l’expert.
D’où la volonté de l’héritier de monnayer sa place dans la commandite en négociant sa gérance contre plus de 10 % du capital qui pourrait lui assurer 17 % des actions et une minorité de blocage en faisant alliance avec Bolloré, Ladreit de Lacharrière et sans doute aussi le Qatar (13 % du capital et 19 % des droits de vote). Comme le Crédit agricole, ce dernier conditionnerait son soutien à une transformation en société anonyme, selon BFM Business. Arnaud Lagardère n’aurait alors pas d’autre garantie pour garder les commandes que sa position dans le capital et ses alliances. « Ce qui est sûr, c’est que Ladreit et Bolloré viennent aider Arnaud et que ce n’est pas gratuit », observe un ancien dirigeant de Lagardère. En tout cas, l’arrivée de Nicolas Sarkozy et de Guillaume Pepy au conseil de surveillance montre que mobilisation sans précédent de réseaux – menée par Anne Méaux – a porté ses fruits. Pour l’heure, l’issue se joue entre deux A. La suite s’écrira sans
doute avec un B.