Alors que les CEO travaillent leur image depuis longtemps, c’est au tour de tous les membres du board de s’y mettre, notamment les CMO et CDO. Une pratique anodine, pourtant bien stratégique.
Il faut se montrer, partout, il faut se montrer ! Si le virus de l’influence touche les CEO [chief executive officer] depuis quelques années, il prend de l’ampleur au sein des comex. «Que l’on soit CDO [chief digital officer], CMO [chief marketing officer] ou DRH, c’est devenu un must have, et cela fait partie de l’employabilité d’une personne. C’est le rôle d’ambassadeur de l’entreprise. Ne pas le jouer, c’est presque en train de devenir une faute professionnelle», assure Marion Darrieutort, fondatrice de The Arcane. Au point que LinkedIn leur a mis en place des formations pour booster leurs posts. Meltwater publie ainsi avec Stratégies le premier classement des CMO/CDO les plus influents en France pour attirer l’attention sur ce phénomène.
Certains restent peu enclins à montrer leur frimousse dans les médias, ou à vanter leur quotidien sur LinkedIn, mais cela leur est de plus en plus reproché. «À tout le moins, il y a des incitations à le faire», continue Marion Darrieutort. Le personal branding se formalise, devient plus stratégique. D’une part pour faire sa place au sein de l’entreprise, car le digital et le réel se juxtaposent, et chacun se jauge autour de la table aussi en fonction de l’image que l’on a dans les médias. «On aperçoit aussi une émulation dans les boards. Les CEO travaillent leur influence depuis plusieurs années, et toute l’équipe leur emboîte le pas», décrit Marion Darrieutort.
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Mais outre les aspects personnels, c’est aussi primordial pour les entreprises. «Les CMO, pour les start-up ou les scale-up, sont comme des égéries et vont avoir une forte influence sur l’image: la connivence, la confiance...», pointe Mandy Landauer, directrice marketing de Meltwater en charge de l’étude. De quoi aider pour lever des fonds et obtenir la confiance des investisseurs. En outre, «le CMO incarne la conquête commerciale, il doit être au fait des nouveaux usages et comportements. Surtout dans un monde post-covid ou tout a changé», analyse la fondatrice de The Arcane. Comment montrer qu’on est en contact avec le réel, sans se montrer ? La présence médiatique devient inéluctable.
Dans un contexte de recrutement tendu, l’influence des membres du board est aussi un moyen de travailler l’image de l’entreprise, d’en façonner les contours pour attirer les meilleurs candidats. C’est ainsi qu’Élodie Perthuisot, en tête du classement, veut inscrire le groupe dans sa trajectoire digitale (lire interview page 6). Enfin, c’est un moyen d’embarquer toute l’entreprise dans un projet collectif, et il ne faut jamais sous-estimer l’impact de la presse et des réseaux en communication interne. «On n’en est pas encore à tout formaliser, à établir des plans ni des stratégies claires, mais on sent une réelle prise de conscience de ces enjeux», assure Marion Darrieutort.
Seul hic, il reste des points à définir : quelles limites donner à l’expression personnelle quand les tensions géopolitiques ou politiques s’exacerbent ? Les citoyens attendent des positions claires, forcément clivantes de la part des entreprises. Le board doit-il s’exprimer comme bon lui semble ? Ou se restreindre au risque perdre son authenticité à ne reformuler que des posts standards, et osons le dire, parfois plan-plan ? Il y a un juste milieu à trouver.